Vice-Versa, superbe, avec ce même ton, cette même note, si propre à Pixar, qui est celle de l’émotion non pas enfantine mais du regret face à l’enfance perdue. Vraiment, ce sont les seuls à savoir parler ainsi aux spectateurs, capables d’aller au-delà d’une simple stimulation des restes assez vils de l’enfant en nous, comme tant de productions le font en exploitant faiblement l’infantilisme (les blagues, la danse, le chant, l’hystérie, la simplicité), pour plutôt révéler la mort de l’enfant au fond de notre âme, à savoir ramener ce que l’on a oublié de lui. Car ce qui est beau, dans l’enfance, c’est ce qui a disparu, et Pixar l’a compris. Ainsi, ce sont les seuls, face à ces expressions prosaïques de l’humanité, le bébé riant, l’enfant jouant avec ses parents, qui nous désarment face à la banalité du monde et nous ramènent à la mort de notre naïveté ; et là encore, comme déjà avec Là-haut et Toy Story 3, le film m’a eu, mon menton s’est dissous, mes yeux se sont remplis, la grosse larme a coulé sur la joue (j’ai commencé à craquer lors du sacrifice de Bing-Bong, et j’ai rompu lorsque Joie et Tristesse s’entendent pour cristalliser le premier souvenir où les deux dansent ensemble). Là encore, Giacchino ne doit pas y être pour rien, alors que tous les films qui m’ont défait depuis Lost ont été composés par lui (Up, Super 8, Toy Story 3, et donc Inside Out – dont la traduction en français, Vice-Versa, m’apparaît d’ailleurs incompréhensible).

Vraiment, on voudrait trouver la petite bête chez Pixar, s’insurger d’une forme de puérilité à louer ces films de synthèse pour enfant – mais on n’en trouve pas. Ils y vont à la force de l’anamnèse, comme si le spectacle d’un Pixar constituait avant tout celui du retour à la surface de notre propre perte. Le plus fort, ici, étant que ce Vice-Versa ne trébuche même pas face à un surplus d’ambition ou de démesure au vu de son sujet ; il grandit fabuleusement ce qui pourtant reste honnêtement modeste (un simple déménagement). Il évite, également, tous les écueils du moderne, tout ce qui aurait pu nous faire reprocher à cette œuvre pour enfant de surfer sur la psychanalyse : ici, tout reste pure allégorie (l’image des îles des passions qui se forment aux pieds des terres des souvenirs…). 4,25/5.

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