Top Gun Maverick, qui a l’étrangeté et la beauté des films oniriques, en cela qu’on a littéralement l’impression de pénétrer un rêve de Tom Cruise, rêve, évidemment, que Cruise ferait de lui-même et de son cinéma. L’image, la musique, le scénario : tout paraît étrange, flottant, détaché de son époque et de la réalité. Il est ainsi fascinant de voir Cruise jouer au football américain, sur une plage, sous le soleil éclaboussant, avec ces acteurs trente ans plus jeunes ; il y a là quelque chose de curieusement profond, propre au pacte faustien et à la vie éternelle. Plus généralement, toute la première partie du film est si libre, si radicale dans cette approche onirique, dans cet hommage délirant de Cruise envers lui-même, qu’il est difficile de ne pas être happé. À de nombreux égards, le film paraît tout oser, ne reculer devant rien.
Et puis, malheureusement, le temps passant, Top Gun Maverick commence un peu à fatiguer. Parce que le rêve patine, parce que ce gros gâteau crémeux de soleil peine à se réinventer et rapidement écœure ; surtout, cette absence totale de conflit, d’ennemi, de scénario véritable, est un écueil. Cela est évidemment volontaire, puisque le premier Top Gun opérait exactement de la même façon. L’intérêt, c’est que le film en apparaît d’autant plus abstrait, d’autant plus un squelette de film, un inconscient de film, transfiguré par le délire onirique et sans fin de l’ego de Cruise. Mais quoi qu’il en soit : arrivé un stade, l’on sature, et l’on regrette que le film n’ait pas été pas plus court, et surtout qu’il n’ait pas davantage maîtrisé son crescendo (le film, en réalité, n’est jamais aussi bon et aussi intense qu’au début).
Reste tout de même quelques belles séquences où Cruise, même dans l’émotion, est fort bon, notamment celle avec Val Kilmer, où celui-ci est filmé dans sa maladie et s’exprime à travers un écran d’ordinateur. La séquence est touchante, parce qu’elle est encore plus intime qu’elle est paradoxalement onirique, le personnage détaché de toute forme de récit, Cruise n’exposant ici que son propre tourment, exactement comme il exposait ses muscles au soleil (et d’ailleurs ses larmes ruisselant sur la joue étincellent de la même façon). C’est le paradoxe hypnotique du film : c’est qu’il montre un Cruise dépassé, terrifié de vieillir, et qui pourtant ne vieillit pas. Comme si on avait là le récit d’un homme bloqué dans son propre rêve. Bloqué dans son propre film. 2,25/5.
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