The Gorge, qui avec son récit basé sur le principe du gardien, entre la trappe de Lost et la cabine de verre de Twin Peaks The Return, avait de quoi nous plaire. Certes, la surcouche narrative laissait tout de suite apparaître un récit vide et artificiel, mais au début, l’on demeurait intéressé par l’histoire de ce militaire interprété par Miles Teller, intronisé sentinelle d’une fosse obscure, posté en haut d’une tour. Sauf que, ici, la solitude n’est pas totale : car il existe une tour identique, en face, de l’autre côté de la crevasse. Une forme de miroir, incarnant le versant des forces occidentales (à savoir ici, donc, la Russie). L’idée, en soi, n’est pas dérangeante. Mais cela se corse quand on découvre le personnage de Anya Taylor-Joy, illusoire et peu crédible, trop adorable dans sa posture de jeune belle gosse russe, badass qui manie bien les armes. Son rapprochement avec Miles Teller, par tour interposée, dans le silence, aurait pu être mignon : mais les personnages sont trop faux, trop réduits aux tropes des romances habituelles, sans vérité intrinsèque, pour que cela fonctionne. Ils deviennent rapidement insupportables, et cela s’incarne via les soi-disant poèmes que Teller écrit pour Taylor-Joy. C’est là la blague du film, tout son pathétique échec : il parle de ce poème, longtemps. Et jusqu’au bout, même quand Taylor-Joy insiste pour le lire, même quand Teller finit par lui révéler, on ne le connaît jamais. Parce que le film est une fosse en soi. C’est une cavité. Un vide. Il tente d’incarner l’amour, la dialectique entre deux solitudes : mais il ne sait ni incarner l’intériorité, ni la rencontre. Il n’est que le creux entre les deux. Ce gouffre ridicule, où le film échoue totalement, à travers ce troisième acte gênant censé développer la mythologie derrière le mystère. Histoire abracadabrantesque avec une Sigourney Weaver tentant d’y dissimuler les expériences faites sur des super-soldats… bref, au secours : il s’agirait, quand on fait un récit sur des gardiens, de savoir précisément écrire comme un gardien. 0,5/5.
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