The Fabelmans, de Spielberg sur Spielberg, et sur le papier, il y avait de quoi être ému, parce que représenter le parcours d’un enfant dans son désir de captation, de représentation, à l’époque du cinéma sur pellicule des années 60, était beau. On sentait même dans le sujet un potentiel à la Proust, la recherche du temps perdu, un ultime film où Spielberg capterait à rebours les émotions de sa propre enfance, à l’origine de toutes celles qu’il aura capturées par la suite (et ce n’est pas un hasard si d’autres artistes semblent actuellement prompts à cette œuvre là, comme Tarantino avec Once Upon a Time in Hollywood et Bret Easton Ellis avec The Shards). En cela, le film est plein de belles idées : celle que le jeune Sammy, sans le vouloir, capture la tromperie de sa mère sur le film de vacances, le cinéma devenant immédiatement comme un secret, un réceptacle, un coffre-fort. Celle, aussi, que cette même mère emmène ses enfants en voiture, quand une tempête éclate, pour la voir de plus près. Celle, aussi, de représenter le bully du lycée comme un héros (dans le métafilm tourné pour les vacances par Sammy), comme une façon de déconstruire les codes du genre pour révéler l’inversion de la souffrance à travers l’art. Et puis, aussi, le discours à la fois lapidaire, décevant, et pourtant limpide, de l’idole (John Ford, génial Lynch, qui a l’honneur de littéralement refermer le film). Le problème, c’est que malgré tout cela, l’on a guère capté dans ces moments un grand cinéma : l’on a souvent trouvé la photographie plate, la musique anodine, les plans banals. Spielberg n’a jamais été un metteur en scène tape à l’œil, son style très neutre, mais il a toujours axé ses films autour de trouvailles de mise en scène géniales. Or ici, il paraît enlisé dans ses souvenirs, un peu comme un rêveur est trop absorbé par son rêve pour nous le faire partager. Sans doute est-ce dû au fait que, comme toujours, Spielberg s’entoure de son équipe habituelle (John Williams, Tony Kushner, Janusz Kamiński…), et que tous ces gens ne sont plus très jeunes. Mais l’on a parfois eu l’impression de voir dans le film une forme de maquette, exactement comme ces petits trains que le jeune Sammy filmait pour faire des films : l’on a eu l’impression que ces personnages étaient des jouets, des figurines, dans des décors en carton pâte. Un jeu de Sammy, qui finalement n’a jamais vieilli, Spielberg encore là, comme un enfant, devant sa vie passée comme autrefois devant sa locomotive. Et pourtant, paradoxalement, ce retrait de la virtuosité n’a pas empêché le film de nous rester longuement en tête, un peu comme si Spielberg nous laissait volontairement jouer au petit réalisateur, prenant en charge, en imagination, une partie du cinéma au centre de son enfance. 2,25/5.

Comments are closed

Articles récents

Commentaires récents

Aucun commentaire à afficher.