The Danish Girl, dont la plus grande force est de prendre presque partie contre son héros. En effet, celui-ci n’est pas juste qu’une femme dans le corps d’un homme, injustement traitée par la nature et le système ; il est aussi malade, réellement malade. Il veut être un homme et avoir sa femme, être une femme et avoir un homme, au point qu’assez rapidement l’on est forcé de constater que le problème est en lui, que le problème, c’est lui (et pas simplement la société intolérante, qu’il aurait été plus facile d’accuser). Et quand The Danish Girl ose poser les mots, enfin, sur la réelle maladie – schizophrenic – la fascination s’enclenche. Mieux, quand le héros décide finalement de devenir une femme, qui est-il ? Une parfumeuse, qui estime que « peindre, c’est pour les garçons » ; en somme, une frivole, qui n’embrasse en aucun cas la cause progressiste qui pourrait accompagner le thème de la transformation sexuelle. Le film, de par son montage aiguisé, ses acteurs impeccables (notamment Matthias Schoenaerts, toujours très bon – on a envie d’être avec lui, et c’est une qualité ultime pour tout acteur), ses séquences iconiques (l’adieu dans la gare, entre Lili et Greda, avant l’opération…), sa finesse et son ambiguïté toujours parfaitement maîtrisées, font qu’on est totalement convaincu par The Danish Girl. Plus encore, ce qui fait sa réussite, c’est que sa structure carrée et mélodramatique, en apparence contraire au sujet progressif et transgenre du film, n’est pas que joliment en décalage ; c’est qu’il est complètement logique compte tenu de l’autre contradiction du film, à savoir que le héros n’est pas l’étendard d’une possible émancipation féminine et veut devenir femme car il veut être frivole, car il ne veut plus être peintre et au contraire vivre sa vie, si l’on peut dire, en tant que peinture ; en cela, que le film suive une structure académique à l’eau de rose est raccord avec les rêves de légèreté de son personnage principal ; et c’est ce qui rend le film si désespérément tragique, si au-delà de toute idéologie ; c’est la grande histoire à l’eau de rose, d’un homme qui voulait simplement être une femme, qui voulait simplement éprouver la romance douce et sucrée, au-delà de transgresser quoi que ce soit. Reprocher donc à ce The Danish Girl d’avoir un style classique en opposition à l’ambition révolutionnaire du protagoniste, comme s’il était lui-même en contradiction avec son sujet, c’est donc passer à côté de ce qui rend le film si trouble et marquant. 3,25/5.

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