The Apprentice, biopic assez cheap, parfois même resserré et étriqué, ce qui n’est pas si mal quand il s’agit de parler de Trump et de sa démesure vulgaire, puisque le film ne réalise pas ce qu’il critique. En cela, la charge sur Trump est fine, parce qu’elle est maniée de façon à ne jamais tomber dans une structure manichéenne de victime. Car 1) le film ose emprunter le point de vue de Trump. Il ne demeure pas à distance, il ne le juge pas avec la froideur d’un pisse-froid, non, il entre dans sa vie et ose l’embrasser (typiquement ce que le lâche et vide de pulsion Napoleon échouait à faire). Et 2) tous les gens auxquels Trump fait du mal, qu’il écrase ou oublie durant son ascension spectaculaire, eh bien ils sont généralement aussi dégueulasses, voire pires, que lui. L’on pense, bien sûr, au personnage de l’avocat Ray Cohn joué par Jeremy Strong (si Sebastian Stan est excellent en Trump, c’est bien Strong qui finit par emporter la mise), individu cadavérique et mortifère, représentation allégorique du capitalisme, et qui physiquement fascine puisqu’en attrapant le Sida à la moitié du film, devient doublement cadavérique, comme un zombie séropositif. Trump, avec lui, est immonde : sauf que ce faisant, le film ne prend pas par les sentiments, puisque Roy Cohn est le père métaphorique de toute la laideur de Trump (c’est presque une espèce de Saturne de Goya qui aurait attrapé le VIH). Il n’y a ici aucune illusion de pureté chez personne. Aussi, le film ne tombe pas dans la bêtise habituelle, tenant à insister sur les turpides individuelles au point d’en faire oublier les errances d’un système. Avec The Apprentice, Trump est représenté non pas comme un monstre mais comme ce qu’il est réellement : un homme en réalité petit et médiocre, au centre d’un monde dont la lie gigantesque l’absorbe et le confond.

À la fin du film, le metteur en scène a réussi son pari : il a tué une grande partie de l’estime que l’on pouvait avoir potentiellement pour l’homme. Et pourtant Ali Abbasi ne s’est pas lamenté comme une victime. Il a fait du cinéma. Il a emprunté un point de vue, pour faire le tableau d’une époque. Il a osé l’intériorité, et ce faisant par conséquent il a touché à l’universel. C’est ce que les modernes trop souvent ne comprennent pas : que sans acte d’empathie, sans acte de pénétration, sans acte d’amour, toute compréhension et toute critique est impossible. On ne regrettera cependant qu’un seul point : la séquence de viol de Trump sur sa femme, franchement en trop, et où le film paraît outrepasser les limites du portrait pour tomber dans l’assassinat mesquin en bonne et due forme. Peu importe que cela soit issu d’une déclaration de Ivana Trump (au début des années 90, déclaration sur laquelle elle est depuis revenue, avant de rester aux côtés de Trump jusqu’à sa mort en 2022) : ici, The Apprentice est difficile à suivre. Mais l’on fermera les yeux. 2,25/5.

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