Spider-Man : Across The Spider-Verse, qui ne me semblait vraiment pas destiné et que je n’ai pourtant pas pu m’empêcher d’apprécier. Car il est immédiatement flagrant, autant au niveau du fond que de la forme, que le film est plein de vitalité. D’abord, ce qui est véritablement beau, dans le film, c’est qu’il fait ce qu’il dit : en cela, tant de films pseudo-wokes, aujourd’hui, nous bassinent sur la différence, sur la diversité, sur l’altérité, sans jamais réellement la vivre, la faire, la mettre en scène. Ici, au contraire, elle est partout, dans le style, dans le dessin, dans la rencontre des différents univers, et c’est très beau comment chaque personnage vient d’un univers où les couleurs et où les traits divergent (on appréciera particulièrement celui de Spider-Woman), mais les conservent lorsqu’ils rencontrent les autres, créant alors de nombreuses séquences de multistylisme. Le film en est d’autant plus intéressant, que l’on comprend qu’il n’aurait pas pu être autre chose qu’un dessin-animé, et qu’en cela il exploite profondément les singularités de son médium, pour être ce que personne d’autre ne pourrait être : au cinéma, par exemple, cela aurait été trop simple, l’astuce du casting de la diversité trop grosse. Ici, tout passe par l’altérité véritable, à savoir l’altérité de l’art, de la mise en scène, de la représentation. Et cette leçon sur la forme se reflète également dans le fond, puisque le récit est autant une histoire de la reproduction obsessionnelle du même (le personnage Spider-Man étant dédoublé à la folie, ce qui amène notamment une folle course-poursuite, où tous les Spider-Man tentent de poursuivre le cygne noir), que paradoxalement une expression pure de l’altérité. Le leçon étant : on trouve l’autre, toujours, à l’intérieur de soi. On trouve l’autre à travers l’amour – et l’amour n’est pas un acte de complaisance facile vis-à-vis de l’extérieur. C’est d’abord un acte intérieur. Et c’est fascinant, que de se retrouver entremêlé à ces combats entre des Spider-Man indiens, des Spider-Man punks antifa, et des Spider-Man noire et enceinte. Plus encore : le film est parfois particulièrement émouvant sur le lien entre parent et enfant, et certaines répliques, atrocement adorables, touchent au cœur (comme ce passage où la mère de Miles Morales lui demande de traiter l’enfant en lui aussi bien qu’elle l’a traité quand il existait encore… et même dans des répliques en apparence aussi naïves, on en revient à l’idée de l’autre en soi). De plus, le personnage du vilain, La Tâche, étonne : d’abord représenté de manière ridicule, comme un personnage secondaire clownesque que l’on vaincra facilement, il se développe comme une maladie imprévue et devient assez beau. L’on aimera cette idée que le mal, parfois, n’est pas forcément ce qui est narrativement inévitable, mais au contraire ce qui arrive de manière chaotique et entropique. En cela, là encore, le film fait ce qu’il dit : il se laisse, dans sa narration même, tâcher par cet être qu’il avait lui-même rabaissé. Il se laisse envahir. Comme s’il était, dans sa structure même, coupable de l’avoir ignoré. Bref, on ne regrettera que ce dernier acte, où le film devient un peu trop long. La fin, basse, qui s’achève sur un cliff propre au format feuilletonesque, évidemment déçoit et ôte au film sa force filmique en tant qu’œuvre individuelle, et c’est d’autant plus dommageable que le film aurait simplement pu se contenter d’être plus court et de ne pas relancer inutilement sa narration. Ainsi, l’on est autant las de le voir prolonger son histoire que de la couper. C’est un peu dommage. Mais tout de même : ce Spider-Man : Across The Spider-Verse ravit tant il transpire la créativité et la bonne santé. 2,25/5.

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