Southpaw, un bon film de boxe et de rédemption, intense mais désespérément bas-du-front, comme son scénariste Kurt Sutter nous y a habitué avec Sons of Anarchy. C’est dommage, parce que malgré le fait que le film reste perpétuellement stimulant, bien rythmé, et porté par un excellent Jake Gyllenhaal, on a le sentiment que le film, à un moment donné, entrevoit une porte de sortie, qu’il soupèse le fait de devenir davantage que son genre, de s’extraire au-dessus de ses clichés. Car lorsque le film se transforme en drame, voire en thriller, et délaisse le genre de la boxe – lorsque, en somme, Rachel McAdams meurt et que Gyllenhaal commence à tout perdre – on se met à effleurer la possibilité que le film ne revienne jamais à la boxe ; et on aime l’idée que l’on va éviter l’éternel remise en condition physique, le retour au combat, pour simplement s’en détacher, faire le portrait d’un personnage qui va apprendre à devoir cesser de vouloir vaincre. À un certain niveau, c’est bien d’ailleurs le pari que fait le film, mais qu’à moitié ; car, bien entendu, Gyllenhaal se remet à la boxe, puis se prépare pour son grand retour qui va le voir affronter le quasi-responsable de la mort de sa femme. Alors le film oscille entre quitter et rester dans son genre initial ; d’un côté, il prolonge cette sensation de détachement quant au combat, il ne stimule pas l’idée de la vengeance, de l’ultime affrontement de l’acte trois – précisant que Gyllenhaal n’y va pas pour des raisons personnelles, qu’il ne se bat pas pour la haine, mais simplement pour subvenir aux besoins de sa fille (c’est notamment incarné par l’absence de musique lors de son arrivée sur le ring, enfin tout le traitement de l’introduction au combat reste agréablement fine et neutre) – mais, néanmoins, il demeure quand même dans le genre, trop faible, trop lâche, pour entièrement le quitter et éviter la scène du combat.
Pourtant, notre sympathie pour cette structure intelligente et honnête sur la perte complète, sur l’étiolement (cela nous rappelle d’ailleurs Demolition, avec ce même Gyllenhaal, qui là encore perdait sa femme, puis son travail et enfin détruisait sa maison), aurait pu nous faire accepter cette fin un peu hypocrite de l’affrontement. Mais comme cela est dommage que le héros le remporte ; comme cela est dommage que le film n’ait pas le courage d’accepter la défaite, de se détacher du principe du vulgaire duel pour se défaire entièrement du Vouloir, pour transcender l’idée de combat. Tant pis. Malgré ces qualités, ce n’est finalement définitivement qu’un film de boxe, trop dans la demi-mesure pour oser traiter pleinement son sujet (c’est un peu comme si, dans Demolition, le héros finissait par revenir travailler dans la finance…). 1,75/5.
Comments are closed