Room, avec une première partie forte mais convenue (surtout lorsqu’on ressort tout juste de l’enfermement de 10 Cloverfield Lane), et qui prend une toute autre force lorsque, contre toute attente, Brie Larson et son fils s’en sortent. S’ensuit alors une dizaine de minutes fascinantes où l’on ne sait absolument pas où l’on est, vers quoi l’on se dirige – ce qui, dans un cinéma aujourd’hui si calibré, si dépassé dans les audaces narratives par le format télévisuel, n’est pas un moindre exploit. Puis on comprend : le film va devenir une espèce de Martha Marcy May Marlene, un traitement du retour à la vie réelle après le traumatisme. Et au début on s’inquiète, on doute que cela marche : non, la première partie du film, certes haletante et puissante, a été trop terne dans la mise en scène, trop faible dans la caractérisation des personnages, en somme trop narrative, pour réussir à se reposer désormais sur une structure dénarrative en creux.

Pourtant, au fil des minutes, cela finit par fonctionner, essentiellement grâce à la présence fascinante de cet enfant sauvage du viol, ici posé dans cet appartement lisse et froid, et que le père ne peut regarder dans les yeux ; c’est une pure invention cinématographique que ce corps, et le film alors touche juste, pour la simple raison qu’il ne devient pas le traitement anarratif du traumatisme de la mère – relayée au second rang – mais se consacre à l’éclosion de cette figure anormale de l’enfant. Si bien que de simples scènes en apparence assez naïves – la main du nouveau grand-père posée sur l’épaule de son petit fils, après que sa mère a tenté de se suicider, ou la rencontre entre l’enfant et Seamus, le chien du grand-père – frappent où il faut et haussent le film bien au-dessus de Martha Marcy May Marlene. Aussi, on aura que faire de l’image du film à Oscar et du succès de Brie Larson en tant que meilleure actrice : le film transcende son possible misérabilisme ou son rôle à performance car il est bon. Il est bon, et même la douleur, il ose la regarder avec amour (comment ne pas craquer face à l’adieu de Jack à la Room, caressant chaque petit objet parce qu’il les a tous malgré tout aimés ?). 3/5.

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