Nosferatu, dont la trop grande importance laissée au couple entre Nicholas Hoult et Lily Rose Depp affaiblit la puissance nocturne, même littéraire, du récit. Car ici, l’attraction fatale, hypnotique, entre Nosferatu et sa bien aimée est finalement peu mise en avant : sans doute pour livrer un récit outre le principe de relation toxique, dans un désir de déconstruire Nosferatu pour en faire une variation féministe, le vampire ici n’a rien d’attrayant. Il ne luit pas de la tentation paradoxale du mal : en somme, il ne ressemble pas à Johnny Depp ou Robert Pattinson. Il est petit, vieux, moche, avec un accent roumain et une grosse moustache. Pire, même : quand l’héroïne l’éconduit, il s’excite comme un pathétique bouffon (et va même jusqu’à stipuler que, pour l’étreindre, il a besoin de son consentement). À l’inverse, Nicholas Hoult, lui, est le gentil mâle. Problème : il est banal, chiant comme la pluie (Hoult confirmant notre théorie qu’il est l’acteur à la pire filmographie du 21ème siècle), et au-delà du personnage en tant que tel, le film ne prend jamais la peine de construire le couple des héros, de nous les rendre sympathiques, de nous permettre de nous identifier à eux. Ainsi, l’on assiste à leur destruction, sans que cela ne nous concerne, et l’on suit la chute de l’héroïne vers l’abysse de Nosferatu, sans non plus que l’on soit fasciné (puisque le vampire ici est moche et pathétique). L’on se retrouve avec le problème habituel des films qui veulent déconstruire les clichés : c’est que, passé l’idée intéressante de le faire, ils n’ont pas la créativité ou l’intelligence de construire par dessus. Ici, plus d’attraction fatale, certes. Mais rien d’autre à la place. Et un peu comme dans The Lighthouse, l’esthétique parfois sublime du film finit par confiner à la pose, puisqu’il ne donne vie qu’à un récit vide de sens.

Toutefois, il faut le dire. D’abord, le film est parfois réellement terrifiant, et pas via de simples jumpscare : il faut concéder à la mise en scène qu’à défaut de savoir incarner un propos allégorique, elle parvient réellement à habiter l’horreur. C’est le premier point positif. Le second, c’est la fin, où le film finit par embraser le point de vue de Nosferatu, son drame, sa haine, sa tragédie, et quand il étreint son amour, le parti pris de Eggers de filmer son vampire comme un immonde cadavre permet une transcendance et une émotion. La musique devient en cet instant magnifique et, dans un plan évoquant L’Aurore, l’on a alors pleuré : et l’on a réalisé, plus que jamais, que l’essentiel de notre littérature, l’essentiel de notre thème, de notre obsession, est une reprise totale du mythe de Nosferatu. Ainsi, l’on aura beau être naturellement peu réceptif à l’image outrageusement léchée du film, à ses choix narratifs paralysant toute réflexion ou allégorie… eh bien quand un film se termine en montant si haut, à travers cinq minutes de brillance, l’on est forcé d’admettre que malgré tout Eggers a réussi quelque chose. 2/5.

Comments are closed

Articles récents

Commentaires récents

Aucun commentaire à afficher.