Mare of Easttown, dont l’on avait entendu beaucoup de bien, et qui, produit par HBO et mené par Kate Winslet, semblait représenter cette prise de pouvoir de la série et sa transformation en objet de prestige. En cela, le premier épisode nous avait parfaitement convaincu ; l’on aimait les tribulations de cette policière boitant dans les jardins de cette petite bourgade, tentant de rattraper les dealers et se faisant draguée par des écrivains vieux-beaux venus des villes. Sauf que, lorsque le meurtre arrive et que l’intrigue commence, lorsque l’enquête recouvre le simple portrait naturaliste de cette petite ville, ça se gâte. Passe encore l’épisode 2 et 3. Certes, déjà, l’on regrettait la surcharge narrative du tout. On regrettait que Kate Winslet ne soit pas juste une ancienne star du basket, une vieille icône déchue. On regrettait qu’il fallait, aussi, que son petit fils ait des toques. On regrettait qu’il fallait, aussi, que son fils se soit suicidé. On regrettait, aussi, qu’il fallait que son père se soit suicidé (oui, encore). On regrettait, à chaque fois qu’elle enquête, qu’elle parle à des victimes, que son propre passé soit outrageusement souligné, pour créer une séquence de refoulement, censément pudique, où elle baisse les yeux et refuse de parler. En somme, on regrettait que la série craigne la simplicité et soit gavée narrativement comme un poulet aux hormones. Surtout que, rapidement, cela ne se limite pas au passé de Winslet : cela recouvre toutes les intrigues, avec une succession de hasards et de drames qui empêchent totalement de croire en la série. Bientôt, les drames des personnages sont si grotesques, si nombreux, qu’ils ne véhiculent pas une réelle souffrance : ils ne sont que des instruments interchangeables pour créer du twist. Le twist n’est plus au service de l’émotion. L’émotion est au service du twist. On sort du domaine du cœur, pour entrer dans celui de la pornographie. L’intrigue pour l’intrigue. On n’y croit, tout simplement, plus. Puis, tout de même, arrive l’épisode 5, qui nous surprend. Le personnage assez beau de Colin Zabel (interprété par Evan Peters, déjà vu chez Ryan Murphy dans American Horror Story, Poseet Dahmer) meurt soudainement, à la fin d’un épisode très intense, et ce alors qu’il reste deux épisodes. On est à ce moment séduit : on ne s’attendait pas à ce que Winslet retrouve aussi vite le tueur, et on savoure de savoir cette enquête terminée. Peut-être va-t-on se resserrer sur le dénudement narratif propre au premier épisode. Mais que nenni : la suite sera encore pire. Car l’on comprend qu’il n’y avait pas juste un tueur, mais deux, sans aucun point commun l’un avec l’autre. Les épisodes 6 et 7 sont alors une succession de retournements de situation aberrants quant à l’identité du tueur (c’est le frère, puis c’est l’autre frère, puis en fait c’est son fils : blablabla). À ce stade, la série a terminé de dire quoi que ce soit. Ce n’est qu’une ronde, une danse, entre des idées aléatoires, détachées de toutes intuitions sensibles. En cela, on pense beaucoup à The Watcher, où le même principe arrivait (une succession d’hypothèses, de rondes, sans jamais s’enfoncer dans la vérité d’une seule possibilité), sauf que The Watcher, au moins, était une série d’horreur sans prétention. Ici, avec Mare of Easttown, l’on est en pleine contradiction entre l’âpreté sérieuse et naturaliste de la mise en scène et de l’interprétation de Kate Winslet, et entre la débilité surchargée narrativement du récit. C’est très pervers, fondamentalement idiot, sans sens, mais enrobé du cachet de la mini-série intello. Alors que l’on avait franchement aimé les premiers épisodes, on termine non pas déçu par la série, mais ulcéré et dégoûté. Mare of Easttown est l’exemple typique de la mini-série comme objet contre-initiatique, contre-nature, dégénérescent et fondamentalement dangereux. Une œuvre ni cinématographique, ni feuilletonesque, qui prend des allures de naturalisme sérieux, comme si elle dépassait même le cadre du cinéma et de la série, pour abrutir le spectateur dans un divertissement du niveau le plus bas qui soit. Qu’on se le dise : Mare of Easttown est une merde absolue, d’autant plus dénuée d’excuses qu’elle aurait pu être bonne. J’ai une dernière idée narrative pour la série : qu’on retrouve le coupable et qu’il paye pour ses crimes. 0,25/5.

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