Love & Mercy, dont, face au relatif anonymat qui a entouré sa sortie, l’on n’attendait pas grand chose, et qui durant plus de deux heures a l’intensité nécessaire pour tout arrêter dans une vie. C’est très sûrement un grand film, ce que l’on a vu de meilleur au cinéma cette année. D’abord, le scénario est stupéfiant de force et de maîtrise, de par cette décision d’outrepasser non seulement la possibilité du récit linéaire, mais aussi de dépasser l’approche focalisée sur un moment précis (ou alors plusieurs, comme le très bon Steve Jobs), puisqu’il préfère alterner deux époques lointaines, que l’on pourrait nommer la gloire d’un côté et la déchéance de l’autre, mais qui s’entremêlent et se complètent si bien que rien jamais ne paraît didactique. En cela, la décision d’utiliser deux interprètes – John Cusack et Paul Dano –, résolument différents l’un de l’autre, pour interpréter le même Brian Wilson, si elle peut paraître déstabilisante au premier abord, transcende complètement le postulat narratif du film et finit par nous emporter dans une spirale déchirante où le corps de l’acteur reflète en permanence l’âme qui a été perdue (et alors, le corps lui-même dans sa présence, dans son immanence, devient émouvant et habite les scènes d’une souffrance qui nous éprouve à chaque seconde). Aussi, parlons-en des acteurs, puisque Cusack, comme Dano, comme Elizabeth Banks, comme Paul Giamatti, sont exceptionnels : ils n’ont jamais été aussi bons et jouent tous le rôle de leur vie. On se demande, là encore, comment les Oscars ont pu passer à côté de telles prestations. La narration, les acteurs, mais aussi la réalisation, signée William Pohlad, parfait inconnu, qui multiplie les plans sublimes, portée par une photographie douce et dense, et bien évidemment, la musique, sont remarquables. Celle-ci, évidemment, peut-être encore plus que les autres, car, et c’est bien là l’essentiel, elle nous donne une fois le film terminé envie de découvrir ce groupe dont on ne soupçonnait pas la présence d’un tel génie dans les coulisses – et cela d’autant plus que le récit a précisément l’intelligence de ne pas nous étouffer avec la musique des Beach Boys, de l’intégrer au contraire avec beauté et raffinement dans sa diégèse, que ce soit dans l’interprétation au piano de « God Only Knows », faite par Wilson à son père, ou par le retentissement longtemps retardé et finalement délivré au générique final de « Wouldn’t It Be Nice ? ». Bref, le tout est beau, profond, cruel ; c’est à pleurer, et pourtant, comme un enfant, convaincu que tout cela n’allait pouvoir que se finir très mal, on jubile de ce happy-end impossible, inespéré. C’est simple : il n’y a pas une seule fausse note. 4,25/5.

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