La Vie Nouvelle, que j’ai trouvé à la fois plus abouti et pourtant moins réussi que Sombre, en cela qu’il est plus maîtrisé et en même temps moins original que ce dernier. Moins original, il l’est d’ailleurs doublement, à la fois par rapport à Grandrieux lui-même, puisque La Vie Nouvelle paraît souvent être une répétition de Sombre. C’est le même sujet, le même parcours, le même constat : le début est aussi identique (toujours des plans sur des spectateurs) que la fin (la répétition du spectacle, avec là encore un spectateur/voyeur, qui contemple une nouvelle danseuse). Ainsi non seulement Grandrieux se répète (il est loin en cela d’opérer une « vie nouvelle » – allusion évidente à la Vita Nova de Dante, mais que l’on comprendra peu), mais même par rapport au reste du cinéma contemporain, La Vie Nouvelle est moins singulier que Sombre. Son image sombre et ambrée rappelle beaucoup les films d’horreurs de l’époque, comme le Inside Job de Winding Refn ou encore Maléfique de Eric Valette.
Après, néanmoins, il faut le dire : il peut toujours y avoir quelque chose de fort dans la répétition, propre à une idée d’affirmation, et La Vie Nouvelle, malgré donc ces défauts, est souvent marquant et intense, et Grandrieux paraît, avec ce film, enfoncer le clou. Il ne tente pas d’accrocher un autre tableau à un mur : il enfonce le même clou que Sombre, encore plus profond, et il y a dans cette obstination un geste propre à l’obsession. Aussi, beaucoup de choses, parce qu’elles sont répétées, paraissent plus tranchantes, bien que moins oniriques et libres – même Marc Barbé, que l’on avait trouvé peu intéressant dans Sombre, s’avère puissant (on n’en dira pas de même de l’acteur héros campant le héros, trop jeune, trop doux, trop banal, pour incarner un loup).
De ce fait, même si la répétition que formule La Vie Nouvelle vis-à-vis de Sombre déçoit, elle excite aussi quant à la suite du cinéma de Grandrieux. Va-t-il toujours faire la même chose ? Va-t-il s’enfoncer, à la folie, vers toujours la même impossibilité ? Cela pourrait créer une spirale hypnotique propre à nous émouvoir. D’ailleurs l’allusion à Dante est finalement peut-être explicable ainsi, en creux, dans son échec, dans l’impossibilité de Grandrieux à s’y hausser. Pour aboutir à la vie nouvelle, il faut faire de Béatrice Dieu. Grandrieux, lui, ne peut aboutir à la vie nouvelle, puisqu’il tue Béatrice. Plus encore, le personnage chauve, quand il attire le héros en bas de l’escalier, paraît rejouer Virgile, quand il guide Dante dans les profondeurs de l’enfer. Sauf que Dante, grâce à Béatrice, finissait par remonter au paradis. Ici, aucune remontée, aucune échappatoire : on crève de ne savoir s’unir à l’autre. Décidément, plus je découvre Grandrieux, et plus j’y découvre une confession de l’échec à la Lars Von Trier… 1,25/5.
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