Hail Caesar !, toujours des frères Coen, à la fois plus fourmillant et moins maîtrisé que Inside Llewyn Davis, mais finalement à peu près du même niveau. Même si l’on en voudra aux frères Coen, comme si souvent, de singer une posture maline, conceptuelle, au point parfois de se perdre dans des digressions peu pertinentes, on ne pourra pas s’empêcher d’être séduit face à cette approche originale de la construction des films d’un point de vue communiste, comme si on avait affaire avec Hail Caesar ! à un métafilm marxiste, soit un métafilm non pas centré sur l’art et la mise en abîme mais sur le cinéma comme moyen d’asservissement, sur l’infrastructure du système, sur ses moyens de production, en tant que défenseur et constructeur de la superstructure, de l’idéologie qu’elle engendre.

En cela, le personnage de Josh Brolin, représenté comme un héros de film noir, enquêteur solitaire, est très intéressant, puisqu’il n’est ni un héros ni même un artiste, mais un producteur : un producteur, qui lorsqu’il dit vouloir continuer à faire ce qu’il pense être « le bien » – et donc à refuser l’emploi qu’on lui propose dans l’aérodynamique – sous-entend que ce bien, c’est précisément propager la morale du système capitaliste. Aussi, le film se met en abyme, appliquant les codes du cinéma américain sur sa propre structure de façon absurde, dénonçant l’idéologie sous-tendue par les productions hollywoodiennes mais faisant de son personnage principal un pur héros de cinéma américain. La fin conclut tout cela avec logique et beauté (lorsque George Clooney s’agenouille face à Jésus Christ, Hollywood s’imposant alors comme nouvelle religion) ; on aimera aussi le départ de Channing Tatum pour rejoindre le sous-marin russe, émergeant triomphant des eaux bordant la Californie, qui interpelle de surréalisme et de beauté esthétique – mais que dire, aussi, de tous ces numéros musicaux indigents, notamment celui de Channing Tatum en marin ? Quoi qu’il en soit, le film est drôle, intelligent, et aussi, comme Inside Llewyn Davis, bien maigre en intuitions sensibles. 2/5.

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