Fumer fait tousser, sur une géniale et adorable bande de super-héros, avec un Gilles Lellouche drôle parce qu’il rappelle Gilles Lellouche lui-même, et un Vincent Lacoste et Anais Demoustier égaux à eux-mêmes, à savoir drôles et adorables. On aimera surtout cette idée, géniale, d’une introduction où on tombe sur ces super-héros par hasard, de loin, en train de se battre contre une tortue mutante géante. Tout seul, dans le désert. C’est là tout l’art de Dupieux : révéler l’absurdité hilarante de situations qui habituellement seraient grandes ou héroïques. En cela qu’habituellement, le principe du super-héros, c’est d’orienter sa narration de manière à faire d’eux, sur le moment, dans l’histoire, les hommes les plus importants du monde. Or ici, c’est la profondeur de Dupieux, ils luttent réellement contre des choses étranges – mais sans spectateur, au milieu de nulle part, comme enfoncés dans leur propre monde. Où Dupieux néanmoins est encore plus intelligent, c’est qu’il résiste à l’appel d’une narration héroïque ; contrairement par exemple aux Wachowski, qui sur Matrix Resurrection, parodiaient de manière méta le concept de reboot, avant de se laisser envahir dans le film par la narration même de reboot, Dupieux prend du recul sur le mécanisme des super-héros… et n’y tombe jamais. L’on aimerait pourtant presque, au vu de cette géniale équipe que constitue les héros de Fumer fait tousser, assister à l’une de leurs histoires contre le mal. Mais Dupieux au contraire place ses héros en tant que participants de vacances de team building : aucun affrontement donc pour nos héros, aucun méchant, aucune histoire. Si ce n’est celles que les héros se racontent eux-mêmes, et là encore, quel concept génial, que celui d’héros ne vivant pas d’histoires, mais s’en racontant. Aussi, si l’on pourrait croire que Fumer fait tousser, dans cette structure en poupées russes qu’il devient, succession d’histoires à l’intérieur d’histoires, trahit son concept initial, c’est tout le contraire : il est plus que jamais fidèle à son postulat. D’autant que les histoires méta que les héros se racontent, de Doria Tillier qui trouve un masque en vacances, et qui lorsqu’elle le met, lui permet de s’isoler du monde et de réaliser qu’elle déteste son mari et ses amis (avant de les tuer), à Blanche Gardin (accompagné de Raphael Queunard) qui va s’énerver de son neveu dont elle broie malencontreusement les jambes au travail… tout en vérité est génial et constamment drôle. Et puis, bien sûr, on aimera beaucoup le personnage de leader, espèce de parodie de Splinter des Tortues Ninja, mis en voix par Alain Chabat, qui se tape toutes les bonasses du groupe. Bref, l’un des meilleurs Dupieux récent, avec Mandibules et Yannick (mais toujours derrière ses chef d’œuvres Réalité et Steak). 2,5/5.
Comments are closed