Demolition, dont je ne savais vraiment pas grand chose et qui au départ m’a plutôt ennuyé : « encore un film sur un type matérialiste, attaché aux mauvaises valeurs – la compétition, l’argent, le look – et qui suite à un terrible drame va réapprendre à vivre », me suis-je dit. En gros, le prototype même de l’œuvre hollywoodienne hypocrite, dénonçant à moitié ce qu’elle véhicule pourtant continuellement ; film basé, comme on en voit si souvent, sur la structure narrative de la victime et de la rédemption, taillé pour un Jake Gyllenhaal désireux d’une nomination aux Oscars. Et puis, surprise : plus le film avance, et plus il est insaisissable et singulier. On est même très touché par cette invention incroyable du fantôme du désamour, de cette femme jamais aimée, mais qui néanmoins reste là, en fond, présence froide, d’autant plus dérangeante qu’elle porte avec elle cette inquiétante vérité : aux yeux du héros, sa présence vivante n’était pas bien différente de ce fantôme mort.

On est aussi stupéfait, face à la puissance de cette séquence de démolition, point d’orgue à déjà quelques très bons moments (lorsque le héros commence à démonter tout ce qu’il voit, puis quand il commence à travailler avec des démolisseurs qu’il paye pour le laisser faire) : quand Gyllenhaal explose littéralement le cliché de la maison hollywoodienne, alors là, on n’est plus dans la dénonciation hypocrite, celle qui s’arrête à mi-chemin, non, le film y va entièrement, il défonce réellement tout, jusqu’à l’achat d’un bulldozer. On adorera, aussi, cette séquence de la jouissance dans la rue, avec cette musique rock copiée par l’enfant de Naomi Watts. Et puis, bon, ce Demolition finalement redescend, et l’on regrettera qu’il ait fallu que l’enfant de Naomi Watts soit homosexuel, retour de la structure de la victime parfaitement inutile, ou les pleurs, enfin lâchés par le héros, pour la mort de son épouse. C’est dommage – mais le film, tout de même, a la classe de bien se terminer, avec ce tout dernier plan jouissif et absurde, où Gyllenhaal exulte de battre à la course de pauvres gamins de dix ans. 2,75/5.

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