D’Argent et de Sang, longue série (oui, de nos jours, 12 heures, c’est long) sur l’histoire fascinante d’Arnaud Mimran et Marco Mouly, et qui, malgré ce que j’en savais déjà, m’a continuellement happé. C’est drôle, parce que la série, pourtant, n’est pas sans écueils : totalement centrée sur l’action, sur la praxis, elle étonne tant elle essaie peu, malgré sa galerie de portraits forts, de creuser psychologiquement ses personnages (il est difficile, au bout du compte, de savoir qui sont vraiment les trois malfrats, et pourquoi font-ils ce qu’ils font ; on est d’ailleurs même surpris quand, à la moitié de saison, on apprend que Bouly est père de famille). Pire, quand D’Argent et de Sang essaie d’entrer dans l’âme de ses personnages, c’est là qu’elle est la moins bonne (voir l’intrigue secondaire du personnage de Vincent Lindon, avec l’addiction de sa fille, indubitablement le point faible du récit).
Mais c’est aussi dans ses défauts, dans ses vides, voire dans ses clichés, que D’Argent et de Sang trouve ses qualités. Car c’est une série à mi-chemin, et c’est là que l’idée est bonne, entre deux univers a priori totalement contradictoires. D’abord celui de Michael Mann, car le personnage de Lindon en est clairement tiré : personnage obsessif, outrageusement moral, dont la vie affective s’effondre au fur et à mesure qu’il tombe dans la spirale de son enquête… comment ici ne pas penser notamment à Al Pacino de Heat ? Or ici, souvent, c’est caricatural, c’est un peu grossier, artificiel. Mais pourtant, parce que Lindon est bon, parce que ce personnage, dans le cinéma d’aujourd’hui, paraît assez délicieusement suranné, et surtout parce qu’il est opposé à des protagonistes totalement différents de lui, eh bien cela marche. En effet, face à Lindon, ce n’est pas Michael Mann ou De Niro qui se profile : c’est une satire de riches abjects et idiots à la Succession, et difficile de ne pas reconnaître, dans la bande originale de Rone, un clin d’œil évident au crescendo solennel et ironique de la série de HBO. C’est dans ce mélange, dans cet équilibre entre les deux, que la série trouve sa force. Elle n’est jamais profonde, ni dans son héros obsédé par l’action, par l’honneur et la morale, ni dans ses antagonistes dévorés par le fric et les apparences, car tous deux se rejoignent dans ce refus total de la psyché et de la vie intérieure. Cela permet une narration rythmée, nerveuse, à la fois contradictoire au vu des différences entre les deux univers, et qui pourtant s’alimentent mutuellement, puisqu’ils ont la même nature ultra physique, ultra visuelle.
Dès lors, c’est simple : chaque épisode est meilleur que le précédent, au point que lors des derniers, l’on a quasiment l’impression de faire face à l’une des meilleures séries des cinq dernières années. Seul petit regret : la présence de Niels Schneider dans le rôle de Mimran, certes bon, mais dont le physique banal ne soulignera pas assez, à nos yeux, le trouble du vrai Arnaud Mimran, type aux allures de playboy, la barbe taillée, les cheveux mi-longs, mais dont l’étrangeté intrinsèque des traits m’a toujours frappé et le rendait physiquement bien plus intéressant que Schneider. À part ça, aucun reproche à faire à D’Argent et de Sang, si ce n’est que ses défauts, faisant au visionnage ses principales qualités (mise en avant de ce que les gens font, et pas de ce que les gens sont), constitueront peut-être un écueil sur le long terme. M’en souviendrais-je si précisément que ça ? Nous verrons. 3,25/5.
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