Dahmer, autre série de Ryan Murphy, toujours construite sur ce principe de l’adaptation de faits réels, mais qui ici paraît avoir été composée avec plus de soin, plus d’intensité, que Halston. Sans doute parce qu’il est toujours fort délicat d’aborder un tel sujet, et encore plus à notre époque de la masculinité toxique. On retrouve donc moins ici le Ryan Murphy de Halston ou The Watcher que des American Crime Stories, dont Dahmer, d’une certaine façon, aurait pu faire partie. La série est fine, délicate, et d’une puissance parfois franchement remarquable. L’on aimera comme Murphy ne se soustrait pas à la nécessité d’incarner, et donc d’humaniser, Dahmer. Ainsi, une grosse moitié de la saison lui est entièrement consacrée, et cette succession d’épisodes, où l’on pénètre quasiment sa tête, sont nécessaires. Mais l’on aimera aussi comment, par la suite, Murphy pivote sur les personnages « secondaires » ; aussi, autant le passage sur le gay noir sourd sera assez insupportable, autant l’épisode centré sur le père (l’épisode 8, avec un Richard Jenkins au sommet de son art et qui mérite cent fois l’Emmy) et celui sur la voisine du tueur (excellent concept, et que l’on éprouve parfaitement dans sa chair : l’idée d’entendre, par les fentes d’aération, l’horreur ; l’idée même de la sentir dans l’air… l’odeur du tueur en série…) sont marquants. Murphy s’en sort alors la tête haute. Il plonge à l’intérieur de Dahmer, et ce sans interruption, sans jamais tenter de flatter le politiquement correct, puis, ensuite, il fait un pas de côté, il prend du recul, et filme l’impact de cette horreur qu’on a habitée. C’est absolument excellent, au point que lorsqu’on retrouve Dahmer, dans le dernier épisode, en prison, l’on ne sait plus quoi penser. La série, alors, a dépassé le concept de bien et de mal, et même en réalité de sens, de signification. L’on ne sait pas pourquoi Dahmer fait cela : il n’a pas d’excuse, pas de détermination, et paradoxalement, parce qu’on ne l’excuse pas, cette abstraction le rend encore plus étrangement émouvant, encore plus victime de lui-même, d’un mal intangible hors de lui. Sa mort en prison, sa conclusion proche de Dieu, atteint une vraie force une puissante intensité d’être, resplendissants parce que brillants en tant que tel. Après tout ce trajet dans l’horreur, l’on ne juge pas, et pourtant, l’on échoue à savoir ce que cela signifie, et on ne tente pas de camoufler le chaos inhérent au fonctionnement du monde. La série est ce dont elle parle : elle l’embrasse dans sa forme. Aussi, autant, lors des premiers épisodes, l’on avait parfois été un peu circonspect (c’était un peu trop lent, un peu trop banal, à notre goût… d’autant que l’on ne cessait de penser au réussi My Friend Dahmer, sur l’adolescence du tueur), autant par la suite, plus la série avance, et plus elle pénètre en nous, avec, comme points culminants, l’épisode 8 et 10. 2,75/5.

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