The Substance
The Substance, dont le côté mystérieux, feutré et suranné avait de quoi nous plaire, à la fois dans la lignée des grands réalisateurs du male gaze des années 80, type Cronenberg et De Palma, tout en empruntant ici le point de la vue de la femme, avec ce trio se répondant l’un à l’autre, entre l’héroïne (Demi Moore), sa projection (Margaret Qualley) et la projectrice (la réalisatrice elle-même, Coralie Fargeat). Sauf que rapidement, tout paraît unilatéral, répétitif et grotesque : passe encore l’aspect si allégorique et simpliste qu’il en est difficilement crédible du système de substance. C’est presque le pacte à accepter immédiatement : que le film sera purement métaphorique, onirique. Mais au-delà de cette problématique, c’est dans la bêtise lourde de l’allégorie que le film épuise. D’abord avec le personnage de Dennis Quaid et ces plans abusifs sur sa bouche, ses dents, mangeant ses crevettes comme il mange les ...
Anora
Anora, qui par ego m’a tellement plu qu’il aurait presque pu me blesser : d’abord parce que l’on suit Sean Baker depuis plus de dix ans, quand on l’avait découvert avec Starlet alors que personne ne faisait attention à lui, et que le succès d’Anora le couronne désormais parmi l’élite mainstream. Ensuite parce que le film est terriblement semblable à notre style et à nos thèmes, surtout dans sa première moitié, avec ces séquences dans les clubs de striptease d’un artifice tel qu’il en devient transcendant. Ou plus exactement, il est semblable à ce qui nous habitait, dix ans en arrière, au point que Baker reprend Greatest Day de Take That, du début à la fin, comme un hymne ironique et paradoxalement honnête. Mais en fait, très rapidement, peu importe : parce que le film est supérieurement beau. Surtout l’on aura aimé la façon dont Anora est construit en deux parties en ...
Les Linceuls
Les Linceuls, qui démarrait vraiment bien, avec ce Vincent Cassel impeccable en tant qu’alter-ego évident de Cronenberg, les cheveux argentés, l’allure élancée, les vêtements sombres : surtout, le concept du film, son idée de la caméra dans les tombeaux, capturant sa décomposition, est parfaitement introduit, de manière purement intuitive, avec une succession de séquences maîtrisées, à la photographie exquise, et où Cassel, durant un premier date, explique à une femme célibataire son métier, son obsession et l’ombre en lui de sa femme morte. Après la déception de Crimes of the Future, on est alors totalement conquis : c’est beau, intelligent et en même temps rythmé, stimulant. Sauf que passé le premier acte, passé ce modèle d’introduction où la douleur et la quête de Cassel sont tangibles et passionnantes, la narration grotesque prend le dessus. D’abord, Cronenberg se vautre dans le cliché de la jumelle : on était pourtant prêt à ...
The White Lotus saison 3 (série)
The White Lotus saison 3, dont le ton plus sombre, plus mystique, plus directement lié à la mort, avait de quoi nous plaire et faire de cette saison notre préférée, et lors des premiers épisodes, c’est en effet ce que nous avons cru, tant le générique nous ravissait à chaque revisionnage, toujours plus fort et profond, avec ces créatures finissant par se venger des hommes et par les dévorer. Sauf que cela s’essouffle pour plusieurs raisons, jusqu’à s’effondrer lors du dernier épisode, le pire de la série. D’abord, comme la saison 2, la série essaie peu de renouveler ses archétypes : ce sont, comme d’habitude, des occidentaux riches et hypocrites, obsédés par l’argent et le sexe, et qui se répartissent en groupe d’amis (ici le trio de copines, dont Michelle Monaghan et Carrie Coon), en cellule familiale (Jason Isaacs et Parker Posey, avec leur fils masculiniste joué par le rigolo ...
L’Amour Ouf
L’Amour Ouf, qui malgré ses quelques bêtises a pour lui de posséder une histoire mignonne et vraiment bien montée, très rythmée. Certes, les facilités sont nombreuses, autant dans le fond que dans la forme : la réalisation outrageusement léchée, clipesque, de Lellouche, assomme souvent dans son désir de trop bien faire, d’en mettre plein les yeux, sans pour autant jouir d’une identité propre (les références américaines, jusqu’à d’ailleurs l’utilisation de Jon Brion à la bande-son, sont nombreuses et évidentes). De la même façon, la narration réduit souvent l’ambiguïté potentielle des personnages : on regrettera, par exemple, que le personnage de François Civil soit une victime si évidente lors du casse (évidemment, il n’y est pour rien, évidemment, il tombe pour les autres, évidemment il voulait sauver le gentil policier). Vincent Lacoste, également, semble ici mal casté tant son personnage est une caricature du mec faible et frustré, uniquement là pour ...
Wolf Man
Wolf Man, de Leigh Whannell, le réalisateur de l’agréable remake de The Invisible Man, et qui ici s’attaque à un autre classique du cinéma d’horreur, de manière si répétitive qu’il semble lui-même ne pas tout à fait y croire. Il y avait pourtant du potentiel dans ce film, entre le talent évident de Whannell, le casting intéressant, que ce soit Christopher Abbott, acteur sous-utilisé, à la fois très masculin et féminin, parfait pour ce rôle du loup-garou, et la toujours excellente Julia Garner. Même le début est plutôt réussi, avec ce flashback où l’on retrouve le père d’Abbott, joué par Sam Jaeger (qu’on avait tant aimé dans Parenthood), qui va initier son fils à la menace de la forêt tout en finissant lui-même par y succomber. Mais honnêtement le reste du film est lent, très chiant, d’une métaphore beaucoup moins efficace que celle de The Invisible Man. L’image, l’ambiance, sont ...
La Grand Bain
Le Grand Bain, la fameuse comédie de Gilles Lellouche, pas dénuée de défauts, entre les inspirations un peu trop marquées à la sensibilité américaine de Step Brothers (avec la typo identique et la présence de Jon Brion à la bande originale pour rejouer son travail sur le film d’Adam McKay). Mais autrement, franchement : le film est bon. D’abord, dans la mise en scène, tout force le respect, notamment parce que Lellouche non seulement essaie de créer du cinéma, que ce soit dans l’idée des séquences ou dans l’image, mais surtout parce que contrairement à ce qu’il allait faire plus tard dans L’Amour Ouf, il ne force pas : il demeure plus sage, plus au service de son film, de sa sensibilité, et l’on reconnaît moins les défauts de son ambition parfois un peu clipesque. Et puis, ce n’est pas rien : Le Grand Bain est un film choral, et ...
Mountainhead
Mountainhead, la première proposition de Jesse Armstrong, le créateur de Succession, depuis la fin de la série en cinq saisons. Et il y a franchement de quoi être déçu. Parce que, d’abord, Armstrong ne tente absolument rien de nouveau, ne prend aucun risque après le couronnement qu’il a connu ces dernières années : on retrouve, donc, les mêmes hyper riches, la même haine derrière les rapports hypocrites faussement amicaux, on retrouve, même, une bâtisse semblable à celle du personnage d’Alexander Skarskard dans Succession et plus généralement une esthétique quasi-identique à la série. Bref, c’est Succession. Mais c’est moins bien que Succession. Parce que compressé en ce format de 1 heure 30, le film ne peut prendre le temps de conférer une tangibilité, une réalité à ces personnages. Dans la série, leur cruauté, leur grossièreté, en faisaient des individus bigger than life, mais derrière cette force prodigieuse de dégueulasserie et de comédie, ...
Gladiator 2
Gladiator 2, un film qui initialement n’apparaît pas si mal, plutôt bien monté, plutôt bien narré, et qui en somme parvient presque à captiver durant sa première heure, avant que la vérité ne finisse par exploser : à savoir que c’est tout simplement un faux film. Gladiator 2 a en somme beau avancer dans le temps, rien ne se développe : rien réellement ne prend la moindre consistance. Les gentils sont très gentils, les méchants sont très méchants, et en cela, le suspens est absent et l’âme du film inexistante. Il pourrait presque avoir été simulé par l’intelligence artificielle, en s’appuyant sur le script du premier volet chargé en référence. Ce n’est pas nécessairement mal fait, mais rien n’est nouveau, rien ne dépasse le principe de génération, de réorganisation, fait à partir d’éléments déjà présents, déjà connus. Et le constat le plus dramatique, le plus sévère, que l’on peut probablement tirer de ...
Eileen
Eileen, adaptation d’Ottessa Moshfegh, avec une Anne Hathaway servant de figure tutélaire et émancipatrice pour une jeune femme bridée par son père dans les années 60, et le tout est à l’image du résumé que l’on vient d’en faire : assez prévisible et balisé. Un seul avantage, sans doute : cette façon de représenter avec finesse le désir, l’admiration, de l’héroïne envers Hathaway, et comment lors du date qu’elle pensait avoir avec elle, elle découvre toute autre chose. À savoir une tueuse symbolique, chez elle avec une femme qu’elle a kidnappée et qu’elle est prête à torturer pour qu’elle avoue une sombre vérité (à savoir qu’elle savait que son fils, un patient de l’hôpital où les héroïnes travaillent, était violé régulièrement par son père). C’est peut-être là que gît le cœur du film, son ambiguïté, sa dialectique : dans le regard de la fille admiratrice, qui trouve chez la figure adorée non pas ...