Black Bird, étrange série, surtout au départ, puisqu’elle paraît être une rencontre, un mashup, étrange et peu naturel, où l’on passe du quotidien de ce playboy à la Patrick Bateman, matérialiste obsédé, à cet univers de prison et de tueur en série qu’il va devoir infiltrer malgré lui. Et rarement, au bout du compte, cet univers dont vient le héros, assez longuement présenté, ne trouve réellement de résonance dans la suite du récit, qui va progressivement tout absorber et rendre le reste quasiment anecdotique. Toutefois, certes, l’on aura compris, Black Bird doit cette spécificité au fait qu’elle est adaptée d’une histoire vraie, et c’est souvent intéressant, comment la réalité contraint justement les récits un peu trop balisés à incarner une singularité, une anormalité, qu’ils n’auraient autrement pas. Mais justement : l’on aurait aimé que Black Bird embrasse davantage cette tension, cette rencontre entre deux opposés. Or trop rapidement, le héros paraît se diluer, être broyé, ne plus exister : il est lui, mais il aurait pu être quelqu’un d’autre. Certes, parfois il utilise son passé, son addiction au sexe, sa maladie capitaliste, pour trouver un écho chez le tueur en série et devenir son ami, idée en effet passionnante (ou comment, dans deux opposés, dans la version glamour du vainqueur, et la version horrifique du perdant, l’on retrouve beaucoup de ressemblances). Mais il paraît aussi trop vite en dehors de lui-même et de ses problématiques, comme s’il n’était lui-même plus un monstre potentiel, ne se servant de tout cela que comme un reste lointain de son passé. L’on aurait aimé, cela aurait été pervers mais fécond, le voir parfois étrangement attiré par le récit du tueur en série ; l’on aurait aimé le voir lui-même se branler sur les magazines porno qu’il vend (c’est trop facile, au vu de sa personnalité quand il était libre, qu’il se contente de les exploiter pour les pervers libidineux et pas pour lui), l’on aurait même aimé, potentiellement, le voir avoir des relations sexuelles en prison (avec des femmes dans le parloir, ou même, pourquoi pas, avec des hommes). Mais l’on sent que la série, pour compenser la dureté du récit et la laideur du tueur en série (excellent Paul Walter Hauser d’ailleurs) a voulu un peu sacraliser le héros, au risque de perdre le véritable intérêt que pouvait avoir l’histoire. Et trop vite, cela devient un True Detective trop banal (de la même façon, les personnages des enquêteurs, notamment celui de Greg Kinnear, s’ils apparaissent initialement intéressants, deviennent progressivement plats et simples). Bref, la série n’est pas mauvaise, mais elle a paru avoir peur de sa propre nature – et en faisant trop souvent marche arrière, elle passe à côté d’elle-même, ce qui s’exprime de plus dans sa rapidité (seulement six épisodes, alors qu’au vu du potentiel de l’histoire, le double aurait pu aisément être atteint). Dommage. Mais peut-être, pour s’en tenir à la réalité, fallait-il trop caresser dans le sens du poil l’homme dont est inspiré le héros. 2/5.

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