Bergman Island, de Mia Hansen-Love, dont j’avais beaucoup aimé Le Père de mes enfants, Un Amour de Jeunesse et surtout Eden, et qui ici, pour son premier film après sa séparation d’Olivier Assayas, signe une véritable merde imbitable. L’on aimerait ainsi se dire que, sans lui, son talent est moindre, le film honnête en cela qu’il retrace l’histoire d’un couple de cinéastes où la femme, plus jeune, est constamment dans l’attente de conseils et de confirmations de l’homme. Sauf que ce serait être trop sévère avec Hansen-Love, tant l’on retrouve précisément dans Bergman Island tous les défauts du cinéma d’Assayas (que l’on aime autrement plutôt bien), à savoir un cinéma sans mouvement, sans altérité, d’un contenu nombriliste tournant à vide (et en cela, le récent Hors du temps d’Assayas paraît parfaitement dans la lignée de Bergman Island). Et bref, cette fibre bourgeoise, hors-sol comme l’on aime à dire aujourd’hui, du cinéma d’Assayas et de Hansen-Love, ne nous a jamais totalement déplu, parce qu’il était souvent porté par des qualités fortes, que ce soit dans Clouds of Sils Maria ou dans la série Irma Vep, par une obsession qui s’élevait vers un questionnement onirique et philosophique. Mais là : c’est un naufrage total. Les personnages sont chiants, leurs discussions ridicules, pire, les décors de Faro (puisque le couple se rend sur « l’île de Bergman », en Suède, là où le metteur en scène avait l’habitude de travailler) paraissent laids, ennuyeux, mornes. Tout, dans ce film, est maigre, asséché et ennuyeux, propre à une esthétique biocoop (oui, on a inventé le concept). Mais où vraiment, on sature au point d’avoir envie d’exploser la télévision, c’est quand la cinéaste se met à parler à son propre personnage et pénètre l’histoire qu’elle est en train d’écrire : cela devient totalement ubuesque. Parce que non seulement le film à l’intérieur du film est encore plus chiant que le film lui-même, mais en plus c’est encore l’histoire d’un metteur en scène. Là, on touche le fond, l’impasse démente de l’art bourgeois : un film de réalisateur bourgeois, sur des réalisateurs bourgeois, qui font des films sur des réalisateurs bourgeois. Cela serait presque passionnant, si c’était une enfoncée assumée dans l’artifice pur, au-delà de toute réalité matérielle, quelque chose de volontairement précieux à la Huysmans. Sauf que rien n’est conscient, tout se veut délicat, profond, fragile. Bref, c’est une catastrophe, et l’on sera navré de voir les critiques plutôt positives qu’a reçu le film, comme si visiblement personne ne s’était rendu compte de l’abysse sans fond dans lequel avait fini par tomber Hansen-Love. C’est le problème des bourgeois, même quand ils sont talentueux : lorsqu’ils basculent dans la médiocrité, personne n’est là pour leur dire. Zéro, Mia, et je t’aime bien. Zéro. 0/5.

Comments are closed

Articles récents

Commentaires récents

Aucun commentaire à afficher.