Anatomie d’une Chute, long et toujours captivant, très intense, excellemment joué, en somme un vrai film de procès maîtrisé, d’une science très américaine. L’on aimera en particulier l’excellent Antoine Reinartz, déjà vu dans Irma Vep et Tapie, et dont l’interprétation fait selon nous beaucoup dans la réussite du film. Car il est à la fois suffisamment pugnace et doué, pour nous pousser à avoir de la compassion pour l’accusée, et en même temps suffisamment doux et honnête, pour que la dialectique fonctionne et que l’on soit aussi du côté du procureur (même l’idée de lui avoir rasé le crâne, alors que son visage plutôt jovial et jeune ne s’y prête pas, crée quelque chose de très réussi). Mais passé ces considérations, passé l’ambiguïté de la fin, passé la justesse de la mise en scène, passé même l’incroyable interprétation du chien, il faut aussi le dire. Le titre du film a beau être élégant et bien trouvé : il confère au tout des apparences d’ambitions hautes, presque surélevées, qu’il n’a absolument pas. Et malgré la qualité du long-métrage, l’on en vient parfois à se demander s’il ne doit pas avant tout son succès aux Oscars, à Cannes ou aux Golden Globes, juste à cela. Parce qu’Anatomie d’une chute, ça fait quand même classe. Et classe à peu de frais, puisque ce n’est pas non plus Extension du domaine de la lutte. Ce n’est dans, le fond, pas audacieux, pas compliqué à regarder, pas risqué à assumer. Cela a l’apparence du chic, de la posture intellectuelle… sans en demander l’investissement ou l’effort. C’est un peu comme les gens qui placent des livres de philosophie chez eux juste pour la posture. Peu importe, cela dit : en mettant de côté cette incompréhension que l’on a progressivement eue au visionnage (« c’est bien… mais c’est juste ça ? », se demandait-on simplement), c’est un film très efficace. Sauf qu’il ne dit rien, ne change rien, n’invente rien, et, surtout, ne révolutionne rien. La chute dont il est question, et que l’on nous promet de disséquer, eh bien il ne s’agit que de ça : d’une chute. Pas une chute allégorique. Pas d’un système. Pas d’une philosophie. Mais la chute, d’un personnage en particulier. C’est le problème du film, et ce qui est fait aussi sa qualité, son plaisir facile : il n’est jamais ici question que du particulier. Jamais du général. Cela le rend consommable. Mais aussi accessoire. Et parfaitement oubliable. Est-ce un défaut ? Pas forcément. Mais l’on a légèrement l’impression, au vu du produit vendu, qu’il y a mensonge sur la marchandise. Dans les médias, Justine Triet raconte qu’elle s’est inspirée de l’affaire Amanda Knox pour son film (déjà évoquée par Stillwater avec Matt Damon). Mais nous, on a davantage pensé à l’autrice Nancy Crampton-Brophy, qui avait écrit le livre « Comment j’ai tué mon mari », alors qu’elle avait en fait… tué son mari. Cela n’aurait-il pas été un titre plus honnête ? Comment j’ai tué mon mari, de Justine Triet. Oui. 2,25/5.
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