Scarface, à propos duquel il serait facile de jouer au cynique, en l’estimant bien éloigné du véritable univers de De Palma, rabaissant la qualité du film au vu de la consécration tardive qu’il a reçue de la part, essentiellement, des rappeurs. Quoi qu’il en soit, pourtant, il faut bien le dire, le film est bon, bon au point de faire clairement partie de ce que De Palma a fait de meilleur. À ce titre, la grande qualité du film est vraiment de traiter l’ascension de Tony Montana par un procédé astucieux de mimétisme (puisque Al Pacino reprend tout à Robert Loggia, son commerce, son empire, sa femme ; il n’est en tant que tel jamais rien de plus, rien d’autre, que celui qu’il a tué, ou qu’une forme de ce dernier encore plus cupide). Se révèle alors avec force le matérialisme dans son vide pur, dans l’orgueil, l’envie, la poursuite – le tout, sans pourtant tomber dans un constat froid et détaché (et c’est probablement pour cela que le film doit son succès aujourd’hui chez les jeunes), brassant, intégrant dans son matériau filmique même cette folie, se laissant comme contaminer par cette dernière à travers cette orchestration de montages pop triomphaux… À ce niveau, on sent vraiment que la mise en scène de De Palma, tout à fait reconnaissable, transcende le scénario d’Olivier Stone et cette ascension vide et monstrueuse. Comme Tony Montana, le film est schizophrène, autant dégoûté par son héros, crucifié sans le moindre remord lors de la conclusion, que malgré tout entraîné dans son sillage délirant… Si bien qu’à la fin de ce Scarface, on se retrouve à regretter que De Palma n’ait pas réalisé plus de scénario autres que les siens… 3/5.
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