Our Brand is Crisis, dont le premier acte est vraiment ridicule – une espèce de dénonciation du story-telling de la politique, à travers pourtant les plus gros clichés justement du story-telling. Le film, immédiatement, se contredit lui-même ; il se veut malin et piquant ; il n’est que convenu, éculé, construit sur une de ces figures providentielles que le film veut pourtant dénoncer, et qui est Sandra Bullock. Sa sortie de la retraite – contexte d’ailleurs totalement inutile, puisqu’il ne dure qu’une poignée de minutes et que Bullock accepte immédiatement de revenir travailler –, son attitude lasse, presque inconvenante, censée la rendre drôle, adorable présence girlie que le film veut nous vendre, sa rivalité avec le personnage de Billy Bob Thornton ; tout cela est faux, artificiel, et nous rappelle le nullissime Money Monster et la présence du même George Clooney. Aussi, si Brad Pitt aime à multiplier les films où il apparaît en fond comme le redresseur de torts, comme la présence morale dénonçant les méchants esclavagistes (12 Years a Slave) ou la méchante économie (The Big Short), on sent que Clooney a emprunté un autre filon : les films prétendument politiques, qui dénoncent des causes entendues de façon idiote, et à travers des outils narratifs autant factices que, dans le fond, similaires à ceux des forces qu’ils prétendent combattre. La révolution jouée, qui parle le langage des maîtres…
Cela dit, plus le film avance, et plus il devient davantage intéressant ; plus le personnage de Sandra Bullock se dilue, plus son histoire personnelle avec Billy Bob Thornton est mise en parenthèse. Il y a quelque chose de beau, d’honnêtement pervers, dans cette façon qu’il a de régulièrement rappeler les estimations de sondage, simulant un conflit qu’il ne cesse pourtant de dissuader (puisque le candidat de Bullock est toujours assez clairement présenté comme une figure du statu quo). Le film est bête, mais il a cela d’agréable qu’avec le temps il se laisse aller à sa propre bêtise, qu’il l’embrasse sans demeurer hautain dans sa posture intellectuelle, ce qui nous embarque et crée quelques moments agréables. On aimera, par exemple, cette étrange scène de dépassement entre les bus, et surtout cette confrontation entre Bullock et son candidat, à qui elle finit par expliquer qu’il ne décide rien, qu’elle décide tout, que ce n’est pas lui qui l’a choisi, mais elle ; que, en somme, le story-telling ne contribue pas à la politique (le postulat entendu du film), mais mieux, qu’il l’a dépassé, neutralisé et englouti. Pour la première fois, le film incarne ce qu’il dénonce : Bullock est avouée comme la véritable figure politique, il est révélé que si elle est l’héroïne du film, c’est parce que c’est elle, en quelque sorte, qu’on cherche à nous vendre, c’est elle, le candidat cinématographique ; le film, un instant, met en abîme son propre story-telling pour le révéler comme étant la vraie instance politique. Dans ces moments, où le film se détache d’une structure trop attendue, où il s’élance de manière plus folle dans un rythme effréné, il finit par dire, par mettre en scène, par révéler une vérité, au lieu de dénoncer des lieux communs – et ce presque malgré lui. Cela sauve le film d’un naufrage à la Money Monster. 1,5/5.
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