A Royal Affair, œuvre étrange en cela qu’elle n’est ni vraiment une romance ni vraiment un film historique. Aussi, on n’est ni complètement emporté par l’histoire d’amour du film, finalement presque secondaire (le récit s’intéressant peu au rapprochement progressif des amants ; de la même façon, le personnage d’Alicia Vikander, extrêmement peu caractérisé, fait que l’on se demande pourquoi les deux héros s’aiment), ni complètement convaincu par la nature historique, là aussi traitée de façon assez superficielle. La volonté originale de A Royal Affair d’entremêler les deux genres reste bancale, essentiellement parce que le scénario mise tout sur le contexte des Lumières, finalement qu’un outil narratif facile censé justifier autant l’histoire d’amour – « si on s’aime, c’est parce qu’on est tous les deux des progressistes qui aimons le peuple » – que le récit historique – « si on va influer l’histoire, c’est parce qu’on va agir politiquement en tant que représentant des Lumières ». Pour crédibiliser, approfondir le tout, on parle de Rousseau, de Voltaire, et emballé, c’est pesé.
Où le film, toutefois, trouve sa beauté et sa réalité, c’est dans le personnage du Roi, adolescent torturé, adorateur du théâtre et de Shakespeare, à la fois méprisable et finalement la vraie victime du récit ; c’est là où le film touche juste et dépasse son approche superficielle. C’est que les deux amants, dont l’amour est prétendument pur, dont les volontés progressistes sont prétendument bonnes, se retrouvent à faire du mal à un homme somme toute naïf et innocent (le retournement de situation s’exprime même politiquement quand le Docteur est obligé de recourir à la censure qu’il avait lui-même précédemment interdite) ; mieux, l’on ne peut nier que le film traite avec beaucoup plus d’intensité les raisons faisant que le Roi est amoureux du Docteur plutôt que celles de la Reine ; on croit beaucoup plus au premier amour qu’au second. C’est dans cette relation là, le Docteur et le Roi, où la victime n’est pas celle que l’on croit (voir cette très belle réplique, lorsque le premier vient annoncer au deuxième qu’il lui faut aller voir le peuple qui l’attend : « c’est toi le roi », répond l’adolescent théâtral). Ainsi, l’on regrettera que par-dessus cette belle intrigue le récit se soit évertué à rajouter une surcouche de romance classique et superficielle, avec cette voix over de la Reine, tentative assez désespérée d’insérer le film dans un registre plus vendeur. 2,25/5.
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