Sicario, au début totalement bluffant, d’une réalisation à couper le souffle ; ça parle peu, ça montre beaucoup, et c’est très intense. Durant toute sa première partie, le film avance, avance et avance, et c’est toujours un peu plus fort, toujours un peu plus captivant, avec pour apothéose cette séquence dans les bouchons de Juarez (ce qui pouvait d’abord nous rappeler la mise en scène de David Ayer, fait en fait penser à Michael Mann – c’est dire que Denis Villeneuve fait fort). Mais le récit finit rapidement par fatiguer, tentant d’expliquer ce qui n’avait pas besoin d’explications dans l’acte 1, mais sans jamais rendre le tout très clair ou pertinent ; de quelque chose d’abstrait, de totalement pur, on s’abaisse à une simple histoire de flics corrompus qui transgressent les juridictions pour faire leur loi au Mexique. S’enchaînent des scènes toujours assez belles, mais qui tournent un peu à vide (on ne pense plus à Mann dans l’acte 3 mais à Kathryn Bigelow, et le film a beau rester très esthétique, on en vient à se demander s’il possède une vraie personnalité). La fin, ultra-violente (Benicio Del Toro assassinant la famille de Diaz), frappe fort, mais semble à ce stade-là une pirouette de mise en scène, une tentative de glacer le sang pour faire oublier aux spectateurs que le film, finalement, est assez vide de sens. Quoi qu’il en soit, son intensité et la vista de sa mise en scène restent en nous après le générique de fin – et on attend, surtout, de voir les prochains films de Villeneuve, lorsqu’il commencera à surmonter ses quelques défauts (c’est-à-dire sa posture ambivalente face au fond, à moitié ignoré, à moitié traité avec grossièreté). 2,5/5.

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