Steve Jobs, qui m’a vraiment surpris. Certes, l’écriture de Sorkin est parfois trop calibrée, trop parfaitement structurée (on a ainsi droit, de bout en bout, à un parallèle entre la personnalité de Jobs et l’approche d’Apple). Mais de 1) la plupart du temps, ça touche très juste et de 2) la structure en trois actes, véritablement propre à une pièce de théâtre, transcende précisément cette approche qui aurait pu être un peu éculée du biopic. Ici, Sorkin réalise un vrai tour de force – ou comment se consacrer uniquement à trois moments d’une vie et donner l’impression, plus que dans n’importe quel autre biopic, d’avoir vécu avec le personnage. Les acteurs, aussi, sont tous excellents (Fassbender, bien sûr, mais aussi Winslet et Rogen). Surtout, il est difficile de ne pas être ému par ces passages, où la fille de Jobs se demande si l’ordinateur de son père a été nommé selon elle, ou si au contraire elle a été nommée selon l’ordinateur – ou encore lorsque Rogen, que Jobs charge d’élaborer un ordinateur « fermé sur lui-même, avec seulement deux ports » (end to end), lui répond « je ne ferais pas un ordinateur en imitant tes défauts ». De plus, tout le parallèle permanent entre le refus de Jobs d’aimer sa fille et de proposer un ordinateur ouvert aux autres est beau : en cela, c’est un film sur le refus du monde, sur une vision obsessive et même artistique, postulat bien plus intéressant que The Social Network et la personnalité de geek frustré banale de Zuckerberg. Certes la fin est un peu bête, avec « l’ouverture » de Jobs, à travers la priorité qu’il donne enfin à sa fille et sa volonté de créer pour les autres (le ipod) et non plus simplement pour lui (ce qui laisse sous-entendre que l’iPhone à venir est un instrument symbolique de l’altérité). Et là, le bât blesse. Mais quand même. 3/5.
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