Blackhat, une immense déception ; le film est incompréhensible, insignifiant, ne paraît à aucun moment vouloir dire quelque chose et surtout tenir à le faire. Il semble que Michael Mann désire tellement « faire moderne » qu’il part du principe que le monde dépeint par le film va de soi – or ce n’est pas le cas. Le film souffre également du même écueil que Miami Vice – pas d’ennemi, pas de dualité, et, à terme, pas de sujet, le vide du récit étant comblé, à défaut, par de la sentimentalité sirupeuse et impersonnelle. Ajouté à cela que Chris Hemsworth est absolument pathétique dans le rôle d’un hacker – là encore on se dit que Michael Mann a voulu se la jouer en avance sur son temps, en virilisant la figure du hacker, mais il y a une différence entre muscler un informaticien et faire de lui un beau gosse bodybuildé, gigantesque, rompu au combat à main nue, aux armes blanches et aux armes à feu, sans jamais l’étoffer émotionnellement.
Après deux premiers actes non seulement nullissimes mais atrocement ennuyeux (difficile de ne pas s’endormir), sauvé par cette sympathique petite mise en abîme du contexte du récit, à savoir que le héros est dans un entre-deux, sorti de prison un court laps de temps avec l’obligation de réussir son coup sous peine de retourner dans un cachot (ce qui semble rappeler la situation actuelle de Mann quant à sa carrière cinématographique), la fin du film hausse un peu le niveau, pour la simple raison qu’on se sent, pour la première fois, a minima concerné. Est-ce pour autant bon ? Non. L’antagoniste n’a aucun intérêt (Dieu sait que c’était pourtant intéressant de le dissimuler durant les deux premiers actes du film, derrière les méandres informatiques, mais le peu d’échanges entre lui et Hemsworth sont si pathétiques, si mal mis en scène – « I’m coming for you ! » – que cela tombe à plat). Pire, même si le duel final est remarquablement filmé et interpelle, dans cette espèce de sursaut poétique qui faisait déjà effet dans Public Ennemies (le regard terrible de Johnny Depp, avant de mourir, comme pour dire : l’intensité de mon être fera à jamais de moi une légende), elle n’est qu’une succession d’emprunts à ce qui a fait le succès de Mann ; on a droit à la chorégraphie type Collateral, au ralenti à la Heat, à cette collision, plus générale, entre l’urbain et le rite ancestral. Le tout au milieu de cette exceptionnelle réplique du bodybuildé Hemsworth : « c’est la réalité, il n’est plus question de 0 et de 1 ! ».
Je reste stupéfait, également, des critiques absurdes et aveugles entendues dans Le Cercle, entre les enthousiastes, Rouyer, en tête, la gueule enfoncée dans les concepts de films, postillonnant face à son incapacité de juger une œuvre pour ce qu’elle est, obligé de passer par sa grille de lecture à genoux des grands cinéastes, et les dubitatifs, soit le seul Neuhoff, qui réussit malgré tout à dire la chose la plus bête à propos du film : ça ne ressemble pas à du Michael Mann. Or, c’est ça, le pire, à propos de Blackhat : c’est que ça transpire le Michael Mann. 0,5/5.
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