Funny People, dont on avait gardé un beau souvenir, et qui déjà en 2009 nous avait marqué de par sa noirceur et son rapport à l’autre (la réplique our relationship has always been strained and I’m very mad at you nous était restée). Mais à l’époque, j’avais également trouvé, comme les critiques, qu’Apatow allait trop loin dans la seconde partie du film, emporté sans doute par la hype l’entourant : il ne se censurait plus et sortait du genre pour livrer un film de 2 heures 30, admirable, unique, mais un peu lourd et prétentieux. Et en fait, non. Tout est beau dans le film. Je n’avais pas souvenir que le personnage de Seth Rogen était si touchant, que les personnages secondaires de Jason Schwartzman et de Jonah Hill fonctionnaient si bien, qu’Adam Sandler était si excellent. A posteriori, je n’ai désormais plus aucun doute : Funny People est le magnum opus d’Apatow. Et cette façon, après cette délicieuse première partie, parfaitement écrite, de rentrer dans la réalité de la vie familiale et bourgeoise, Sandler, comprenant qu’il ne va pas mourir, quittant le film qu’est devenue sa vie pour tenter réellement de vivre, est profond et sublime. D’autant plus, justement, qu’il ne le peut pas. Toute la beauté de Funny People et d’Apatow est résumée dans la séquence où Leslie Mann diffuse la vidéo de sa fille chantant Cats (véritable image documentaire de la fille d’Apatow), devant laquelle Sandler ne peut se résigner à être ému. Il regarde à côté, consulte son portable, puis ne trouve qu’à en rire, qu’à s’en servir pour faire une blague (sur le fait qu’il est ridicule pour une enfant de se prendre pour une adulte). Sandler est détrompé, il ne peut y croire, et pourtant il aime Mann – de ce dilemme, naît la tragédie, et donc le rire. On est là au cœur de l’origine même de l’humour, derrière le voile premier du film. On pénètre dans les coulisses du genre comique, dans l’inaptitude et la contradiction même du comique. L’on est outre l’illusion, dans les machines, et avec Sandler, on se frotte à l’impasse du réel. À la tristesse de cet amour que néanmoins l’on espère. Pas de happy-end, pour Sandler, mais seulement la mise en retrait, pour servir un autre comique que lui (Rogen). Rétrospectivement, c’est un film assez parfait. La mise en scène ultra balisée, et certains gags qui tombent parfois à plat, l’empêchent d’être véritablement un chef d’œuvre. Mais c’est l’un des meilleurs films au bout du compte des années 2000. 3,75/5.
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