Le Sens de la Fête, de Toledano & Nakache, quoi qu’on en dise des bons faiseurs de comédie, pas si fréquents en France, parce qu’à la fois capables de ne pas tomber dans la vulgarité hideuse si habituelle du cinéma français, et d’être néanmoins souvent drôles. Comme toujours, ils savent développer une finesse, une douceur, certes commerciale, prévisible, tout à fait adaptée à leur compositeur attitré Ludovico Einaudi, pour créer des films grands publics honnêtes, léchés, avec un sens de la comédie assez profond. À savoir celui de ne jamais filmer des gens qui se savent drôles, et même de ne jamais juger, de rester dans le domaine de l’ambiguïté face aux frontières du beau et du ridicule. En somme, plus qu’on ne pourrait le croire, Toledano & Nakache laissent à leur public le choix : le choix de croire à la réalité de ces personnages et de décider où commence ce qui est drôle et ce qui est triste. Ici, c’est parfaitement le cas, et à de nombreux égards Le Sens de la Fête est sans doute leur meilleur film : on aimera vraiment l’idée de situer le film durant une seule soirée, à travers laquelle la fresque de personnages, censés organiser la fête (on pensera un peu au concept de Party Down), se développent autour d’un seul chef d’orchestre, Jean-Pierre Bacri, très bien dans le rôle de celui qui crée la fête sans la vivre, spectateur las et silencieux. C’est l’occasion d’aller, avec ces personnages, de sketchs en sketchs, mais cela fonctionne, parce qu’ils sont tous liés, entre eux, par un calme et une distance : on aimera, par exemple, le moment où Jean-Paul Rouve, photographe raté, découvre le principe des applications de rencontre et se met à swiper pour espérer matcher avec des filles sur place (c’est, en soi, un vrai concept de séquence, et cela aurait même pu axer un film tout entier). Surtout, on aimera Gilles Lellouche, jamais aussi bon que lorsqu’il interprète le gros lourd débile (il était déjà assez irrésistible dans Fumer fait Tousser), ici excellent dans le rôle du chanteur loveur latino de pacotille.
De plus, même la fin, un peu trop bienveillante, gentiment humaniste, a quelque chose d’assez beau : beau, parce qu’étrange, sans véritablement de jugement. C’est notamment le cas avec le spectacle que donne le mari à la mariée : jusqu’alors présenté comme imbuvable, pathétique, avec tous les défauts du monde, il réalise avec ce spectacle (où il flotte dans l’air) quelque chose de ni vraiment poétique, ni vraiment risible, et devant lui, les héros ne savent pas s’ils doivent être émus ou paniqués par le fait qu’il menace, emporté par la montgolfière, de s’envoler dans le ciel. C’est un bon résumé du talent de Toledano & Nakache : il ne force jamais le trait de la comédie et privilégie toujours l’étrangeté du réel pour faire naître dans les interstices parfois un vrai rire. Certes, c’est toujours un peu lisse, toujours un peu mièvre, un peu plat – mais c’est la comédie que l’on aime, la comédie du réel, et en France, ce n’est pas rien. 2,25/5.
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