Yannick, un Dupieux assez inhabituel, très différent par exemple du précédent, Fumer Fait Tousser, en cela qu’ici Dupieux s’en tient à un genre et à un lieu, à une histoire et un thème, livrant sans doute son film le plus commercial et le plus accessible… et on regrettera d’ailleurs qu’il n’ait pas été vendu de manière plus claire lors de de sa sortie. L’idée en tout cas est géniale et simple : c’est une prise en otage du cinéma français, de manière littérale, avec ce personnage, coincé face à cette pièce de boulevard parisienne insupportable à la Laurent Ruquier, qui interrompt le tout pour prendre le contrôle sur la narration. Et difficile de ne pas voir, dans le personnage joué par Quenard, Dupieux lui-même, car si la forme du film paraît assez éloigné du style habituel du réalisateur, le fond lui paraît n’avoir jamais été aussi en phase avec sa sensibilité. Quenard, dans la façon qu’il a d’écrire sa pièce, sur scène, de manière purement intuitive, rappelle évidemment la façon d’opérer de Dupieux. C’est d’ailleurs drôle, car avec l’histoire de Yannick, Dupieux avait largement la possibilité de procéder comme à son habitude à des histoires imbriquées entre elles : il aurait pu donner vie, littéralement, à la pièce de boulevard de Blanche Gardin, puis à ses différentes transformations. Mais jamais il ne pénètre l’illusion ; il la tient à distance, comme pour s’en prémunir. Il filme tout un cinéma qu’il déteste, toute une fausseté qu’il dénonce en creux, et ne s’y enfonce pas, restant aux côtés de Quenard, en ce film réalisé par un rêveur sur une absence de rêve. Dupieux, pour une fois, filme une représentation sans y entrer – et il ne rigole plus. Malgré sa fixité, jamais un film de Dupieux ne sera passé aussi vite, jusqu’à la fin fort émouvante, sur cette pièce écrite par Quenard, ni ridicule, ni réellement bonne, touchante dans sa naïveté crédible, sur cet homme malade, sur ce coma d’absence d’amour. Bref ; surprenante évolution dans le cinéma de Dupieux, où la tristesse apparait derrière l’excentricité. 2,5/5.
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