Sundown, film au postulat assez fascinant, porté par Tim Roth et une mise en scène subtile, à la fois à distance des événements, sans porter un jugement sur eux, et en même temps très proche de son héros et de son tourment. Aussi, l’on adorera cette idée simple mais efficace, d’un homme qui abandonne sa famille, quand en vacances, il apprend la mort d’un parent. Il y a un côté presque flitcraftien, dans le fait de se détacher d’une structure pour embrasser l’inconnu et le hasard, quelque chose rappelant Auster, qui crée un récit littéraire et adulte. Néanmoins, face à cette ambiguïté, l’on sera en quelque sorte déçu d’une décision du réalisateur, qui a lui a peut-être échappé. En cela qu’au départ, l’on était persuadé que Roth était le mari de Gainsbourg et le père de ses enfants – et que lorsqu’il explique à son amante rencontrée sur place qu’il est célibataire et oncle, cela n’était qu’un mensonge. Or c’est bien la réalité, mais cela atténue la radicalité et la fascination de cette désertion. Le réalisateur, Michel Franco, a-t-il au départ consciemment joué de cette hésitation, avant ensuite de se rétracter par peur de faire du personnage de Roth quelqu’un de trop détestable ? C’est possible mais dommageable, car lorsqu’on comprend que Roth n’est qu’un frère, le récit devient moins fort, plus banal : en cela, il perd de sa profondeur allégorique et devient davantage le reflet hasardeux d’une histoire prosaïque. On a alors peu d’intérêt pour la famille de Roth et de Gainsbourg, pour cette famille propriétaire d’abattoirs, pour ces visions de porcs… On entre, à ce stade, dans la fantaisie, alors que la force de ce récit, c’était d’être jusqu’alors total et mystérieux, de ne pas développer ou s’intéresser au passé de Tim Roth, pour entièrement faire de lui un exilé, un déserteur de sa propre vie, une abstraction. C’était cela qui nous attirait, mais par conséquent c’est une idée, un rêve, d’un autre film, en creux, qui se détache de ce Sundown : un film que l’on voudrait voir et que l’on voudrait faire. Mais quand même, malgré la lâcheté du film (plus lâche, en soi, dans sa volonté de ne pas faire de Roth un mari, que le personnage de Roth lui-même), l’on sera captivé par la talent évident de Michel Franco. Et par son duo très réussi avec Roth, qui nous rappelle à quel point c’est un excellent acteur. 2/5.
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