Présumé Innocent, de David E. Kelley, qui nous a habitué ces dernières années à adapter des romans en séries, pour en créer des murder mysteries, généralement autour de la potentielle culpabilité d’un homme (on se rappelle de Big Little Lies et de plus encore récemment The Undoing, avec au centre du récit Hugh Grant). Plus de Nicole Kidman ici toutefois, mais un très bon Jake Gyllenhaal ainsi que le trop rare Peter Sarsgaard. Et malgré l’esthétique assez morne et ennuyeuse du récit, malgré aussi la structure vraiment proche de The Undoing (avec ce père de famille, en apparence idyllique, dont on réalise progressivement qu’il est plus coupable qu’on ne pourrait le penser), on rentre dans le jeu : parce que la série est courte, rythmée et bien équilibrée entre réalisme et fantaisie, suffisamment excentrique pour divertir, et quand même assez crédible pour ne pas totalement nous perdre. L’on aimera, aussi, la finesse se développant autour des personnages, que ce soit avec la victime, dont on comprend, de manière sous-jacente, qu’elle n’était pas un ange (sa façon de dissimuler la présence d’un deuxième homme sur les lieux du crime de l’ancienne affaire), ou l’avocat général, homme à chat complexé qui sait néanmoins se révéler moral et brillant. Et puis il y a les irruptions de violence de Gyllenhaal, cette rancœur acerbe de l’homme politiquement correct, à la famille métissée, qui cache en lui une vérité et un instinct plus trouble (on pourrait presque voir, dans son désir d’aimer et en même temps de tuer la blanche blonde, une expression du refoulé). Bref, à aucun moment, on est dupe : on sait qu’on ne se souviendra guère de cela. Mais on s’amuse bien. Jusqu’au twist final, risible dans sa démultiplication irréaliste, nous rappelant les turpitudes de The Watcher de Ryan Murphy. Parce que, non, ce n’est pas Jake Gyllenhaal ; mais ce n’est pas non plus sa femme ; c’est leur fille ! Tout ce que ce type de récit est censé exprimer, à savoir une allégorie d’une vérité simple, sombre et sous-jacente, ici s’effondre pour ne devenir que des aléas narratifs, une expression hasardeuse de l’histoire comme simple jeu. C’est alors que l’on réalise ce que l’on ignorait jusqu’à maintenant : que la série est tirée non seulement d’un livre mais aussi d’un film avec Harrison Ford de 1990. Et on sent que David E. Kelley, pour surprendre ceux qui pensaient déjà savoir la fin, a voulu retourner le twist sur lui-même, le dédoublant, non pas au profit d’un sens plus profond, mais simplement pour le jeu, pour la surprise même. C’est ce que l’on appelle de la pornographie. De la pornographie du twist. Quand le twist n’exprime rien de plus que le twist lui-même. Quand le twist n’a pas d’ombre ou de sens. Qu’il n’est que matière, que narration. Bref, dommage pour Présumé Innocent, parce qu’avec cette fin totalement ratée, la série prend le risque que l’on se souvienne, finalement, d’elle. Mais pas pour les bonnes raisons. Divertissant, toutefois. 1,75/5.

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