Daaaaaalí !, loin d’un Réalité ou d’un Mandibules, mais tout de même drôle, inventif, original, fécond esthétiquement. Encore que, et c’est peut-être le risque de Dupieux : à force de faire des films tous les ans, à force, aussi, d’être de plus en plus à la mode dans le milieu parisien, il risque de devenir malgré lui commun. Et y aurait-il quelque chose de pire pour Dupieux que de devenir commun ? Ainsi, cela va peut-être rapidement devenir l’enjeu de son cinéma lors des prochaines années : rester Dupieux (donc rester étrange), sans faire du Dupieux. Ici, tout de même, l’on aimera bien son idée d’entrer dans Dali : de mettre en scène ses œuvres, comme si elles étaient réelles (comme cet homme au visage déformé, tenant une partie de son crâne avec la main, qui existe vraiment). Bref, derrière ses allures de comiques délirants, Dupieux confirme qu’il est un vrai cinéaste, qui propose toujours des idées de mise en scène, et ici, il entre à l’intérieur des tableaux pour créer un monde à partir d’eux-mêmes. L’idée aussi de faire interpréter Dali par différents acteurs touche juste (un peu comme dans I’m Not There, le biopicsur Bob Dylan) : parce que Dali ici est plus qu’un homme, mais un rêve, un rêve perceptible à travers ses propres travaux, Dali est donc multiple. Il est le rêve qu’il fait de lui-même qu’il fait de lui-même qu’il fait de lui-même. Et qu’on fait, aussi, de lui-même. Mais si conceptuellement l’idée est belle, et qu’elle repose sur une mise en scène qui l’incarne en intuitions, la qualité des acteurs est inégale. Gilles Lellouche, sans être catastrophique, ennuie quelque peu ; Edouard Baer s’en sort beaucoup mieux, même s’il s’efface rarement derrière Dali (on voit plus, surtout au début, Baer jouant à Dali) ; Jonathan Cohen par contre est toujours excellent. Drôle, mais également juste, il trouve l’équilibre parfait entre Lellouche et Baer, ni trop fort ni pas assez, et l’on aurait aimé, pour être honnête, qu’il soit Dali tout du long. Autrement, comme d’habitude, toujours difficile de réellement analyser un Dupieux : la structure des rêves à l’intérieur des rêves, justifiant les tableaux à l’intérieur des tableaux, et des acteurs à l’intérieur des tableaux, est comme souvent chez lui plus profonde qu’elle n’en a l’air. Mais c’est la force du réalisateur : il est si visuel, si naturellement drôle et stimulant, qu’il n’a pas à souligner la poésie intellectuelle que sous-tendent ses propositions. Autrement, l’on aimera surtout le personnage du prêtre, et même le personnage d’Anaïs Demoustier, plus ancrée dans le réel, servant d’axe et de relais spectatoriel qui permet d’ancrer le récit dans une forme accessible. L’on sera juste resté un peu circonspect devant le personnage de Romain Duris, élément secondaire dans l’arche de Demoustier, et qui n’apporte rien de drôle, rien d’onirique, ni même rien de caricatural. C’est simplement un producteur détestable, terriblement réaliste, dont on ne comprend la place dans le film. Il ne reflète rien quant à Dali, il n’est pas même extrémisé dans sa méchanceté ou sa bêtise au point d’être drôle ou étrange : il est juste pathétique et déprimant. Lui, plus le dernier quart du film, où Dupieux paraît commencer à tourner en rond, à ne plus savoir comment refermer ses rêves, déçoivent un peu. Et encore une fois, on se dit : pourquoi Dupieux se force-t-il à faire des films aussi rapidement ? Le problème n’étant pas qu’ils soient si courts (Daaaaaalí ! aurait gagné à l’être encore plus) mais que Dupieux n’ose pas davantage se plonger longuement dans une œuvre, lui qui pourtant conscientise parfaitement son travail. Pourquoi ? Telle est la question. 1,75/5.
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