The Killer, qui démarre bien, avec ce quotidien froid et minutieux d’un tueur à gages ; il ne se passe alors rien, mais justement, c’est ce vide et ce silence qui permettent de créer une ambiance et de laisser entendre une voix. On aime ainsi l’idée de ce tueur international, à la fois chez lui partout et nulle part, qui se confond dans les structures de wework et commande à manger au McDo ; on aime son regard contemplatif, son détachement, sa patience et son désir de réaliser le geste parfait. Malheureusement, rapidement Fincher casse cette maîtrise du tueur pour faire intervenir l’élément disruptif : à savoir qu’il ne s’agit pas d’emprunter le point de vue de Michael Fassbender dans son sempiternel quotidien. Non, il s’agit de créer une narration à partir du moment où, justement, il va cesser d’être le maître de ses missions. Quand, finalement, il rate la cible, et qu’une succession d’éléments imprévus vont se dérouler de ce geste manqué. Et à partir de là, on est un peu navré : navré, de voir un film qui commençait si bien, avec un Fincher presque synchronisé à son tueur pour réaliser une démonstration de maîtrise et de cinéma, au-delà de toute narration convenue, qui finit par se tuer lui-même pour plonger dans une myriade de retournements de situation totalement prévisibles et déjà vus.
C’est bien simple : d’un portrait glacial, l’on passe à un vulgaire film de vengeance, axé sur le désir copié/collé de Michael Fassbender d’obtenir justice pour sa femme. Peu importe d’ailleurs que Fincher n’ait pas pris la peine d’introduire le personnage de l’épouse, afin qu’elle paraisse incarnée ou représentative de quelque chose ; peu importe que cela soit dénué de toute originalité et qu’on l’ait vu cinq cent mille fois ; peu importe même que le film de vengeance ait été recyclé à outrance ces dernières années, notamment avec les fatiguants John Wick (qui avaient au moins l’humour de remplacer la femme par un chien). Non, peu importe tout cela : Fincher tombe la tête la première pour nous assommer totalement. Et si au départ les placements de produits Wework et Mcdo, dans ce film produit par Netflix, avaient un réel charme (en cela que Michael Fassbender s’y confondait comme lui-même un produit, comme lui-même un objet à l’utilisation fixe, donnée, à la Günther Anders), autant l’apparition ensuite par exemple d’Amazon, pour illustrer ce qui paraît devenir une rébellion contre le système (avec Fassbender qui achète un téléphone prépayé et se le fait livrer dans un locker), sonne faux, se détachant de la métaphore initiale pour ne paraître plus être qu’un principe hypocrite. En somme, après s’être servi des marques pour mettre en scène son personnage comme un produit, le film dans sa seconde partie tombe dans sa propre publicité pour devenir dans sa chair narrative le produit en tant que tel : une machine à rebondissements débile. Bref : à la fin, on n’en peut tout simplement plus. 1/5.
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