Reality, qui hormis les premières et les dernières minutes, m’a beaucoup plu. On y retrace l’histoire de Reality Winner (oui, c’est son nom), une whistle-bloweuse de la CIA qui a voulu révéler les liens de Trump avec la Russie. Mais cela, en fait, a peu d’intérêt, et c’est pourquoi le film est si souvent bon : c’est parce qu’il quitte le terrain de la géopolitique et se resserre sur un espace et une période extrêmement restreinte. On est là, étouffé dans l’appartement de Reality, le temps uniquement d’une heure et demie (le film étant en temps réel), comme si l’on était enfermé dans sa tête. Et porté par la toujours excellente Sydney Sweeney, on a le droit à une grande leçon de narration et sur la prédominance, toujours, de l’intériorité sur l’extériorité. Car c’est en effet parce que tout est vu du point de vue le plus étriqué, le plus petit possible, que l’on touche paradoxalement à la grandeur. C’est parce qu’on ignore le contexte global, les répercussions sur un espace et un temps plus long, que l’abstraction naît et que l’allégorie devient sans fin et intemporelle. Le récit de Reality peut alors devenir le nôtre : c’est celui d’un étrange envahissement, auquel on consent progressivement, sans jamais bien le comprendre. Tout devient fascinant, mystérieux, porté par des sous-entendus profonds, ce que la réalisation ne manque jamais de transcender, à l’image de ces passages de l’enregistrement (dont est tiré le film) qui ont été caviardés, et qui provoquent alors des disparitions brutales de Sweeney, contribuant encore plus à cette impression d’intériorité, de fantôme et de conflits personnels. Mais, malheureusement, le film, en son début et en sa fin, trahit un peu son approche. Les premières minutes, ainsi, sont il faut l’avouer un peu laborieuses, avec la présentation trop appuyée du concept du film (avec les acteurs faisant d’abord du playback sur l’enregistrement véritable de Reality Winner), et les dernières minutes, qui se veulent un hommage à Reality, voient le film prendre une hauteur (et une posture moralisante) malvenue. Mais peu importe : l’approche esthétique du film est marquante et l’on sera curieux de voir le prochain film de cette primo-réalisatrice, déjà autrice de théâtre. 2/5.

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