Cyrano, au départ évidemment déstabilisant, tant le choix du casting étonne voire, avouons-le, gêne. La décision, en effet, de confier le personnage de Cyrano à Peter Dinklage, aussi excellent puisse-t-il être, laisse songeur – et puis, le temps passant, cette idée de remplacer l’ampleur du nez par la petitesse de la taille convainc. Même l’idée de wokiser également Christian (en faisant de lui un noir) fonctionne et rend le personnage encore plus touchant, puisqu’il est, en tant que tel, un personnage réduit à son corps. Que l’éphèbe soldat, aimé simplement pour son physique, mais qui ne parvient pas à s’exprimer comme Cyrano, soit racisé, fonctionne donc parfaitement et demeure une belle allégorie du fonctionnement des castings hollywoodiens (à savoir la réduction du noir au fait qu’il est noir, et l’humiliation donc inhérente au principe de discrimination positive). Ainsi, peu importe les critiques incendiaires que le film a reçues, notamment en France (sans doute nostalgiques de Depardieu), Cyrano est peut-être woke, mais il l’est à dessein et de belle manière. On aimera son romantisme propre à l’amour courtois que l’on ne voit plus assez ; l’on aimera les déclarations platoniques, les réflexions sur l’invisibilité (j’aime que l’on soit invisible l’un pour l’autre), et surtout, parce que c’est peut-être encore le plus important, l’on aimera les musiques, qui nous ont emballé sans même savoir qu’elles avaient été signées par The National. En cela, pas de surprise que l’on ait parfois réellement été ému par le film : il aurait été nul que les frères Dessner m’auraient quand même eu. 2,5/5.
Comments are closed