Snake Eyes, qui m’a surpris, de par sa forte filiation avec le travail de De Palma sur le fond, dans le sens où j’avais surtout souvenir d’un exercice de style, typique du réalisateur mais au-delà plus symptomatique du genre du huis-clos médiatique assez propre aux années 90 (je pense à Mad City, par exemple). Or, non, Nicolas Cage est un héros typique du réalisateur, dans la continuité de Travolta dans Blow-Out, de Pacino dans Carlito’s Way, ou même encore de Tony Montana, espèce de anti-héros déchiré entre le bien et le mal, attiré par la corruption et le crime mais qui à sa manière tente de lutter. Mieux, on retrouve aussi ce principe de la distraction, de la mise en abyme de la mise en scène comme piège maléfique, puisque comme dans Blow-Out (l’accident du politique en voiture, en fait un meurtre) ou Body Double (l’actrice porno engagée pour attirer le regard du héros et s’en servir comme témoin), Snake Eyes impose à son héros l’épreuve de déjouer le Simulacre – en cela, l’épreuve de Cage est d’autant plus difficile qu’il doit comme Travolta reconnaître que le spectacle initial de la mort est un faux, et comme le héros de Body Double comprendre que son regard avait volontairement été attiré vers un spectacle pour le distraire (ici, le combat de boxe, que le boxeur corrompu perd volontairement). Maintenant, où le film déçoit, c’est que outre ses trente premières minutes sidérantes de maîtrise (le plan séquence dans cette arène gigantesque, où les points de vue ne cessent de cohabiter, de se croiser et de se décroiser, au premier et au second plan, où la vie bourdonne comme une multiplicité d’indices), outre également la fin de la moitié du film, c’est-à-dire passé cette révélation que Gary Sinise est en fait derrière le crime, le tout se dégonfle progressivement. À l’image de la salle qui s’est vidée, on reste dans l’absence de la brillance de l’introduction, et si cela n’est dans l’acte 2 pas spécialement gênant, cela devient véritablement problématique lorsqu’il se termine sans avoir réellement repris vie. On regrette alors que le récit ne parvienne pas à se réinventer dans l’acte 3, que sa fin soit si prévisible et peu créative, que Snake Eyes ne fasse qu’une heure trente et s’en tienne finalement à l’exceptionnelle vista de sa première demi-heure : c’est vraiment ce qui manque au film pour en faire un chef d’œuvre digne de Blow-Out (il manque une fin digne de ce dernier, de la poursuite de la gare jusqu’au meurtre sur le toit, sous les feux d’artifice). Quoi qu’il en soit, quand même, ça reste du bon De Palma, c’est le jour et la nuit par exemple avec Raising Cain. 2,5/5.
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