Deadpool, et peut-être est-ce parce que le film a été un tel succès qu’il n’a jamais su faire mouche chez moi, peut-être est-ce parce que l’intérêt de son décalage et de son irrévérence supposée est, dans le paysage des blockbusters actuels sous le règne de Marvel, précisément de prendre « par surprise », mais toujours est-il que l’on ne peut objectivement pas estimer de ce Deadpool que c’est une réussite. D’abord, c’est un film de poseur, dans le sens où il prend effectivement la pose de l’ironie – « oh lol regardez comment les films de super héros reprennent toujours la même structure et sont pleins de clichés » – sans jamais savoir subvertir ces codes, se moquant de ce qu’il consent lui-même à faire. Ensuite parce que, outre ce problème général, l’humour est très souvent raté. À l’image de la violence continuelle mais jamais vraiment réelle, Deadpool tuant ses ennemis en les décapitant ou en les empalant, sans qu’on ressente aucunement cette âpreté physique, l’humour se veut désespérément noir mais ne rappelle que celui d’un adolescent qui se voudrait insolent. Ajoutons à cela que le film surprend de par son manque d’ampleur, autant narrative (tout est cousu de fil blanc, parcelles de flashbacks attendus autour d’un méchant inutile, sans qu’aucune grande scène n’interpelle), qu’en termes de mise en scène (l’image est grise, sans le moindre soubresaut, si tant et si bien qu’aucun moment ne reste en mémoire).
Bon, toutefois, on aimera Morena Baccarin, excellente dans ce rôle pourtant compliqué – espèce de Marla de Fight Club, brune névrosée, virile dans sa féminité, prostituée au grand cœur – qui de par son grand corps sec mais son visage doux parvient à apporter crédibilité et nuance au personnage (en somme de la consistance) ; on aimera, aussi, l’humour lorsqu’il se veut plus directement âpre quant au Marvel Universe, et là alors, il se fait plus fin (en cela, la référence au Professeur Xavier – « McAvoy ou Stewart ? » – est bienvenue, ainsi que le masque de Hugh Jackman porté par Deadpool à la toute fin) et même moins inoffensif qu’à l’accoutumée (quand le film se moque de son propre manque de budget, ne faisant plus que simplement se gausser mais réellement attaquer caustiquement son propre matériel). On tâchera aussi de ne pas oublier, malgré sa réussite au box-office, que la nature de Deadpool reste étrange et presque miraculeuse, parmi les films de super héros du moment, notamment de par son budget très réduit comparé à la concurrence (en cela on appréciera par exemple que le récit reste humblement court), ou de par la détermination et l’amour de Ryan Reynolds, centraux dans l’existence de ce film qui a bien longtemps failli ne jamais exister. Enfin, quoi qu’il en soit, malgré la faiblesse de Deadpool, l’on n’est pas surpris de son succès : c’est un film typique de la génération youtube, faussement lucide, faussement clairvoyante, et en fait empêtrée dans cette foule de signes qu’elle croit maîtriser alors qu’elle reste parfaitement esclave de ces derniers. 1,5/5.
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